Culture et appropriation sociale de la ville d'Alger » a été le thème d'une conférence animée, jeudi à la Bibliothèque nationale, par Mme Oussedik Fatma et M. Sidi Boumediène Rachid, maîtres de recherches au Cread. Les conférenciers ont rendu compte, lors de cette conférence initiée par l'Association algérienne pour le développement de la recherche en sciences sociales (AADRES), des conclusions auxquelles ils sont parvenus lors de leur travail de recherche. Le développement d'Alger y sera décrit en termes de désordre urbain, atteste Mme Oussedik. Ainsi, assure-t-elle, citant un sociologue, « le plan s'abîme dans la réalité », qui se refuse aux mutations que s'efforcent d'opérer les urbanistes. Faisant le parallèle avec la ville de Casablanca au Maroc, qui fut durant la période coloniale l'alter ego d'Alger, Mme Oussedik ne manquera pas de mettre en exergue la faiblesse de l'attractivité de la capitale. Alger, à l'en croire, doit être une métropole régionale où s'épanouira la culture. Pour se réapproprier la ville, des pratiques culturelles feront leur apparition. Il s'agit de celles patrimoniales tels la broderie, la peinture, le rap et les graffitis ou les tagueurs. La conférencière parlera de la reterritorialisation des formes d'expression venues d'ailleurs. Ainsi, des jeunes Algérois tagueurs se réapproprient cette forme et s'y affilient en utilisant leurs modes d'expression sans qu'ils soient gênés. Ils prennent possession de l'espace urbain, la « zenqa » prenant, en l'occurrence, le dessus sur la « houma » des anciens. Le rap, autre forme d'affiliation à cette culture-monde en expansion, n'est pas celui que l'on retrouve dans le Bronx à New York ou dans les banlieues hexagonales. En témoignent, atteste M. Oussedik, les concerts de musique dont les tarifs sont exorbitants et que seuls les fils de la nomenclature peuvent s'offrir. Les peintres, de leur côté, s'identifient souvent à un orientalisme de mauvais aloi qui représente des femmes langoureuses et des paysages souvent tournés vers la mer, lieu de partance. Comme pour retourner cette imagerie coloniale, un regard pourtant très moral a vu le jour. Toutefois, des peintres sortis, pour certains de l'Ecole des Beaux-Arts, ont trouvé une volonté d'individuation. Les lieux d'initiation des pratiques culturelles sont ceux que les petits blancs ont laissé, auxquels s'ajoutent des galeries et autres ateliers créés récemment. Toutefois, des pesanteurs, assure M. Oussedik, empêchent les « affiliés » de s'exprimer et de faire sortir leurs produits de l'espace dans lequel ils ont éclos. La mobilité en est l'un d'eux, car les moyens de transport dans la capitale restent dépassés. Aussi, les moyens matériels indigents font que la broderie, pris en exemple, ne s'exporte plus après avoir valu aux artisans d'Alger des distinctions mondiales. S'agissant des sexes des affiliés, M. Oussedik dira qu'ils sont pour l'essentiel des hommes. Les femmes usent encore, affirme-t-elle, de subterfuges pour paraître dans la rue qui reste pour elles « un espace à conquérir ». La métropolisation est à créer à Alger, selon la locutrice. Plus caustique, Sidi Boumediène Rachid recentrera son intervention sur le problème de la gouvernance et son corollaire la démocratie. Pour lui, le problème de l'urbanisation d'Alger est ailleurs que dans sa taille ou dans son nombre d'habitants. A l'en croire, les politiques urbaines ne peuvent réussir en dépit des potentialités dont peut s'enorgueillir le pays. Les raisons en sont les pratiques de prédation qui ont perverti l'Algérien. L'appareil d'Etat semble en être également touché. Tout fonctionne par dérogation dans le pays où chacun se revendique d'appartenance autre que celle du lieu où il se trouve, insiste Sidi Boumediène.