Débouché n Certains jeunes gens avaient fait de la neige leur métier ; on les appelait les «chasseurs de neige». Le Djurdjura est cette chaîne de montagnes magnifiques de l?Algérie du Nord, haut lieu de la résistance contre le colonialisme et merveille de la nature. Le Djurdjura se caractérise par ses beaux paysages : crêtes dentelées et pitons aux formes étranges, forêts aux essences diversifiées dont la plus remarquable est le cèdre. La faune et la flore étaient autrefois très diversifiées, mais l?exploitation humaine les a considérablement réduites. Cependant, en dépit de toutes les destructions, la montagne reste belle et l?hiver, elle se couvre d?un manteau blanc. C?est pourquoi les Kabyles l?appellent Adrar N?wedfel (la montagne de la neige) en raison des quantités abondantes qui y tombent. La neige dure jusqu?au moins d?août dans les grottes le plus élevées ; autrefois, on en ramenait et on l?utilisait comme rafraîchissement. Certains jeunes gens en avaient fait leur métier : on les appelait les «chasseurs de neige». C?est une histoire de neige que nous proposons de rapporter à nos lecteurs. Cela s?est passé, dit la légende, il y a longtemps, au temps où les Turcs s?étaient établis dans les plaines. Dans un village dont la tradition n?a pas gardé le nom, vivait une jeune fille d?une grande beauté. Appelons-la Ferroudja et disons qu?elle était courtisée par tous les garçons de la région. Chacun rêvait de la posséder un jour, mais chacun savait aussi que sa main était difficile à obtenir : fille unique, de surcroît de parents aisés, elle ne pouvait qu?échoir à un homme fortuné? Etre fortuné, à l?époque, ne signifiait pas forcément être riche, posséder de grandes quantités d?argent ; c?était avoir une maison convenable, des revenus fixes, de la terre? Le héros de l?histoire ? appelons-le Ahmed ? n?avait rien de tout cela. Il était même pauvre et, de plus, orphelin de père. Aîné d?une famille nombreuse, il gardait les troupeaux des autres et louait ses bras. Comme tous les garçons du village, il aimait Ferroudja et rêvait, lui aussi, de l?épouser un jour. Certes il était pauvre, mais il croyait avoir de grands atouts : il était jeune, fort, intelligent et surtout très beau. Si Ferroudja était la plus belle fille du village, il était, lui, le plus beau garçon. Quand il emmenait paître ses bêtes, Ahmed s?asseyait sur une pierre et jouait de la flûte. Il composait aussi de beaux poèmes pour sa bien-aimée. Sa mère, qui connaissait sa passion pour la jeune fille, a souvent essayé de le raisonner. «Mon fils, tu es trop pauvre pour cette fille. Son père n?accordera sa main qu?à un riche comme lui ! Il y a d?autres filles, je t?en choisirai une qui soit à ton goût et je la demanderai pour toi !» Mais Ahmed refuse toute autre fille que Ferroudja. Il pense ? et il a raison ? que la richesse n?est pas tout dans ce monde et que la bravoure et l?honnêteté peuvent suppléer le manque d?argent. «Je saurais la mériter !» Il continue donc à rêver et à espérer, en attendant que la chance soit de son côté et lui permette de réaliser son rêve? (à suivre...)