Arrestation n Des gendarmes sont allés chercher un camion privé pour transporter les jerricans de gasoil saisis, alors que d?autres ont dressé un barrage. Le commandant de compagnie me propose de faire un tour en attendant que le camion en question arrive. «C?est ça notre travail, si on ne fait pas comme ça, on ne risque pas d?arrêter le moindre contrebandier», dit-il d?emblée. «Il m?arrive souvent de dormir à 3 ou 4 heures du matin et à 9 heures, je suis au bureau», Poursuit-il avant que je l?interrompe pour lui annoncer que je viens d?entendre un bruit derrière un arbre. Il pointe sa torche sur l?arbre en question, mais il ne voit rien d?anormal. Nous continuons alors notre chemin et notre discussion mais au bout de quelques mètres, il fait demi-tour, s?élance brusquement tout en criant : «Habbas, habbas (arrête-toi, arrête-toi).» Sans difficultés majeures, il réussit à immobiliser les deux contrebandiers qui conduisaient quelque cinq baudets. Ne pouvant emmener seul les deux jeunes jusqu?au barrage dressé par ses éléments à quelque 500 mètres de là, le gendarme me confia l?un d?eux tout en me disant : «Voilà commandant, il est à toi !» Je le prends par la main tout en lui faisant comprendre qu?il ne sert à rien de tenter de s?enfuir. C?est ce que je redoutais le plus au plus profond de moi. C?est pour cela d?ailleurs que j?ai vite pensé à gagner sa sympathie : «Tu n?as rien à craindre, ils vont juste prendre tes coordonnées», lui dis-je. A partir de là, il se confia à moi : «Je n?ai pas encore mes 18 ans, je m?appelle Mohamed, je suis lycéen, il m?arrive souvent de sécher les cours pour aller vendre du gasoil au Maroc car je suis issu d?une famille pauvre qui habite Messamda (un village situé dans les environs).» Je l?écoute attentivement tout en le surveillant de très près. A 23h 40 environ, on arrive enfin au barrage dressé par les gendarmes. Je confie, pour ma part, le jeune contrebandier à un gendarme. Mais au moment où il lui passe les menottes, Mohammed lui grille la politesse et réussit à s?enfuir. «Cela ne fait rien, son copain va tout nous dire sur lui», rassure le chef de compagnie. «Son copain», c?est Chadli Echeikh. Il a 27 ans. Avec son béret noir, son pull de sport, son survêtement bleu et ses baskets, il donne l?impression d?être un sportif quand bien même il est un peu trop gros. «Non, je ne pratique pas de sport», rectifie-t-il. Et d?ajouter : «Je suis diabétique, je ne peux même pas travailler, c?est pour ça que je m?adonne à la contrebande de carburant depuis un an et demi. Avant, j?étais spécialisé dans les vêtements et autres produits. Avec les deux baudets que j?ai achetés il y a quelque temps, je transporte quotidiennement 14 jerricans de gasoil au Maroc où je les revends à des gens avec qui j?ai l?habitude de travailler. Pour chaque jerrican de 30 litres, je gagne 100 DA (je l?achète à 650 DA et le revends à 750 DA). On nous paye en dinars. Une fois, des éléments des services de sécurité marocains m?ont arrêté. Mais après que mes amis marocains eurent payé, on m?a relâché au bout de deux jours de détention. Je démarre chaque jour de la maison aux environs de 21 h et j?arrive au Maroc à minuit généralement. Je fais en tout 8 kilomètres par jour. Je vous garantis que si on me relâche aujourd?hui, je ne toucherais plus à ça.» Rien n?y fait. Chadli devra répondre de son acte devant la justice.