Résumé de la 54e partie n Par des métaphores et des envolées lyriques, Nôzhatou distille ses belles paroles faites d?éloquence et d?enseignements. «Alors le khalife Moawiah lui dit : ?Et quelle est ton idée sur toi-même ?? Et Aba-Bahr le pied-bot dit : ?Je mets un pied devant l'autre et lentement je le fais avancer en le suivant de l'?il.? Le khalife lui demanda alors : ?Et quelle est ton idée sur tes chefs ?? Il répondit : ?En entrant, je les salue sans faire de geste et j'attends qu'ils me rendent mon salut.? Alors le khalife lui demanda : ?Et quelle est ton idée sur ton épouse ?? Mais Aba-Bahr s'écria : ?Dispense-moi de cette réponse, ô émir des Croyants !? Et le khalife dit : ?Je t'adjure de me répondre, ô Aba-Bahr !? Il dit : ?Mon épouse, comme toutes les femmes, a été créée de la dernière côte, laquelle était une côte de mauvaise qualité et toute tordue.? Le khalife dit : ?Et comment fais-tu lorsque tu veux coucher avec elle ?? Il répondit : ?Je lui parle agréablement pour la bien disposer, et lorsqu'elle est au point que tu comprends, ô émir des Croyants, je fais ce qui doit être fait. Puis alors je m'écrie, ô Seigneur, fais que cette semence soit couverte de bénédictions, et ne la façonne pas sous une forme mauvaise ; mais modèle-la selon la beauté ! Cela fait, je cours faire mes ablutions ; je prends l'eau dans mes deux mains et je la fais couler sur mon corps ; et enfin je glorifie Allah pour ses bienfaits !? Alors le khalife s'écria : ?En vérité, tu as répondu délicieusement. Aussi je veux te voir me demander quelque chose.? Et Aba-Bahr le pied-bot dit : «Seulement que la justice soit égale entre tous !? Et il s'en alla. Et le khalife Moawiah dit : ?Si dans tout le pays de l'Irak il n'y avait que ce sage, cela suffirait !?» «Egalement sous le règne du khalife Omar ibn-Al-Khattab, le trésorier était le vieux Moaïkab...» A ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et se tut discrètement. Le lendemain, elle dit : Il m'est parvenu, ô Roi fortuné, que la jeune Nôzhatou dit : «Sous le règne du khalifat Omar ibn-Al-Khattab, le trésorier était le vieux Moaïkab. Or, le jeune fils d'Omar vint un jour voir Moaïkab, accompagné de sa nourrice. Et Moaïkab donna à l'enfant un drachme d'argent. Mais quelque temps après, le khalife le fit appeler et lui dit : ?O dilapidateur ! qu'as-tu fait !? Et Moaïkab, qui était un homme intègre, s'écria : ?Et qu'ai-je donc fait, ô émir des Croyants ?? Et Omar lui dit : ?O Moaïkab, ce drachme d'argent que tu as donné à mon fils est un vol commis sur toute la nation musulmane !? Et Moaïkab reconnut que c'était une faute, et toute sa vie il ne cessa de s'écrier : ?Où y a-t-il, sur la terre, un homme aussi admirable qu'Omar ??» «On raconte aussi que le khalife Omar sortit une fois se promener la nuit, accompagné du vénérable Aslam Abou-Zeid. Et il vit au loin un feu qui flambait, et il s'en approcha, croyant sa présence utile, et il vit une pauvre femme qui allumait un feu de bois sous une marmite ; et elle avait à ses côtés deux petits enfants chétifs qui gémissaient lamentablement. Et Omar dit : ?La paix sur toi, ô femme ! Que fais-tu donc là, seule dans la nuit et le froid ?? Elle répondit : ?Seigneur, je fais chauffer un peu d'eau pour la donner à boire à mes enfants qui meurent de faim et de froid ; mais, un jour, Allah demandera compte au khalife Omar de la misère où nous sommes réduits !? Et le khalife, qui était déguisé, fut ému extrêmement et lui dit : ?Mais crois-tu, ô femme, qu'Omar connaisse ta misère, s'il ne la soulage pas ?? Elle répondit : ?Pourquoi donc Omar est-il le khalife s'il ignore ainsi la misère de son peuple et de chacun de ses sujets ?? (à suivre...)