Espoirs n Au piémont de Sidi-Ali Bounab, le petit village ne se résigne pas à vivre dans l?oubli. Ce village de quelque 1 500 personnes, que Tadmaït, dont il dépend territorialement, semble avoir renié, est une profusion de maisons bâties en terre cuite et en parpaings, recouvertes de tuiles, éparpillées çà et là, sur un espace verdâtre où s?accrochent des centaines d?oliviers. Il est fait surtout de jardins de piments, de salades et de tomates qui s?étalent à perte de vue, servant à nourrir des personnes qui, dans leurs grandes bottes usées, sont contraintes, la nuit, à prendre en chasse une meute de sangliers qui viennent les perturber dans leur sommeil et faire des ravages dans leurs maigres récoltes. Il existe aussi des écuries en tôle où vaches, brebis et volailles se partagent la promiscuité avec les deux chiens de garde, avant d?être lâchées, à l?aube, dans les immenses pâturages environnants. Mais Tlata Ihiddoussen c?est surtout l?histoire de deux oueds qui, lorsqu?ils sont en colère, jettent la malédiction sur les habitants. Les eaux en furie empêchent les filles et les garçons d?escalader les chemins qui montent vers l?école. Elles empêchent aussi les pères de famille de rejoindre leurs champs, tout comme les jeunes qui, grandes pelles à la main, vont jusqu?à la rive, travailler le sable et remplir, tôt le matin, les camions qui viennent s?approvisionner avant de prendre la route, qui amorce un grand virage à droite. Dans ce village, il y a de l'électricité qui ne sert pas à grand-chose, sauf peut être à regarder la télévision pour voir ce qui se passe ailleurs. «Nous sommes coupés du monde», s?offusque, la gorge nouée, Hamdane, le seul du village à avoir fait un déplacement jusqu?à? Maghnia, à l?autre bout du pays, pour devenir le trabendiste le plus connu du village. Coupés du monde, car le village, s?il dispose de l?électricité pour s'éclairer, n?a pas d'évier, pas d'eau. Pour s?en procurer, les villageois descendent jusqu?à l?oued pour remplir jarres et jerricans qu?ils remontent péniblement sur les pentes glissantes, surtout durant l?hiver où le froid est glacial. Coupés du monde parce que le village a besoin «uniquement» d?une passerelle qui ne coûte absolument rien, mais qui servirait à beaucoup de choses. Cette passerelle est aujourd?hui la quête inespérée de tout Tlata Ihiddoussen.