Ténèbres n Il est vrai que c?est l?hiver et qu?à la campagne, la nuit tombe très vite. De plus, il fait froid et la pluie menace. Existe-t-il, comme le prétendent certaines personnes, des lieux cachés qui se trouveraient aux environs de notre monde ou se superposeraient à lui dans une sorte de sixième dimension ? Cela expliquerait, disent encore ces personnes, l?intrusion, dans notre monde, de formes, d?événements, voire d?êtres surprenants? Il y a quelques décennies, un homme, aujourd?hui décédé, d?un petit village de la région de Jijel, prétend avoir vécu une telle aventure : un village surgit du néant, dans lequel il pénètre par une sombre nuit d?hiver, puis qu?il recherche en vain sans jamais le revoir. Mais commençons par le commencement cette histoire qui, disons-le tout de suite, a des pendants dans d?autres régions d?Algérie, notamment le Sahara, et que nous raconterons en temps voulu à nos lecteurs. Amar ? appelons ainsi le protagoniste de cette histoire ? était jeune à l?époque des faits. A la suite de la mort de son père, et comme il est l?aîné d?une nombreuse fratrie, il a quitté son village natal pour aller travailler à Alger. Il envoyait régulièrement son salaire et, quand il le pouvait, il faisait le déplacement et passait quelques jours avec sa famille. Il prenait le bus ? on disait à l?époque l?autocar ? ou alors le train. C?est ce second moyen qu?il avait pris ce jour-là, le matin de bonne heure, ce qui lui permettait ? les trains de cette époque n?étant pas très rapides ? d?arriver en début d?après-midi. De la gare de Jijel, il prenait l?autobus ou alors, quand il faisait beau, faisait le chemin à pied. Cela lui prenait plusieurs heures mais il aimait se dégourdir les jambes, respirer l?air pur de la campagne qui lui manquait tant en ville. Ce jour-là, par malchance, le train tombe en panne à mi-chemin et il faut plusieurs heures pour le réparer. La journée est bien avancée et, quand le train arrive, la nuit est déjà tombée. Il est vrai que c?est l?hiver et qu?à la campagne, la nuit tombe très vite. De plus, il fait froid et la pluie menace de tomber. Il va à la station d?autocars et on lui dit que celui qui passe à proximité de son village est passé depuis deux heures. «Et quand passera le suivant ?», demande-t-il avec angoisse. «C?était le dernier. Il faudra attendre demain !» La personne qui lui donne ces renseignements lui conseille d?aller à l?hôtel et d?attendre le lendemain. L?hôtel, c?est une solution, mais une solution coûteuse pour le jeune homme. Il n?a pas économisé sou après sou pour en dépenser une partie dans une chambre d?hôtel. Il peut aussi rester en ville, passer la nuit à la gare, mais les policiers qui font la ronde l?intimident. Ils pourraient le prendre pour un vagabond et procéder à son arrestation. Que faire ? Comme pour se donner du courage, Amar se dit : «Rentrons au village !» Il fait nuit et froid et le parcours sera plus difficile que d?habitude, mais il est jeune et vigoureux et il n?a peur de rien ! (à suivre...)