Une semaine après l'effondrement, le décor est le même. Rien n'a bougé. Les pierres et les gravats emplissent toujours le lieu. Une semaine après l'effondrement partiel de la maison collective de la rue Ahmed Allem de la Casbah, les habitants ne sont toujours pas pris en charge. Les visages harassés par une mauvaise nuit se sont tournés presque en même temps sur le bruit de nos pas. Un jeune homme habillé en survêtement, avec l'accent algérois, nous interpelle «oui?». Son ton indique que les curieux ne sont pas les bienvenus. Connaissant peu les labyrinthes de la Casbah, on a sollicité l'aide d'une vieille dame habitant les lieux depuis une quarantaine d'années pour nous servir de guide. Réagissant aux propos du jeune homme, elle s'exclama: «Voyons tu ne m'a pas reconnue? je suis la maman de Tarik». Rien qu'à ses mots, une sorte de sésame, les portes de la maison sinistrée s'ouvrent devant nous. Dans le patio délabré, une dizaine de personnes étaient regroupées. 4 jours après l'effondrement, le décor est le même. Rien n'a bougé. Les pierres et la poussière emplissent toujours les lieux. Des madriers pendent du plafond menaçant de s'écrouler à leur tour. L'accident a fait une blessée, une vieille dame. Ironie du sort, elle est venue rendre visite à ses anciennes voisines. Ça fait vingt ans qu'elle a déménagé des lieux, après son mariage. Ses anciens voisins affirment qu'elle se trouvait dans la partie qui s'est écroulée au moment de l'effondrement. Elle était tombée du premier étage. La pauvre dame a finie au fond du puits qui se trouvait au milieu du patio. Ce qui lui causé de graves blessures au cou et à la tête selon les témoins. Un malheur n'arrive jamais seul. Sept familles habitaient la maison. En une fraction de seconde, une quarantaine de personnes, dont des enfants, se sont retrouvés à la rue après l'accident. Trois familles parmi les sept n'ont plus accès à leurs chambres. Le reste de la maison menace de s'écrouler à tout moment. «La maison est un vrai danger, pourquoi nous laissent-ils ici?» crie une jeune mère avec désarroi. Désignant un des hommes du doigt, elle poursuit: «Cet homme est le père d'un nourrisson...il est dans la rue lui et sa femme et le bébé». Les sept familles ont peur de rejoindre leur habitation. Le sort de Fatima est en mémoire. Haut et fort, les présents dénoncent l'absence totale des autorités. Aucune prise en charge. «Il sont venus, ils ont pris des photos des lieux et ils sont repartis» avance un jeune homme sur un ton coléreux. Le jeune homme en survêtement s'est empressé de nous apprendre qu'un dossier retraçant la situation de la maison a été déposé au niveau de la daïra de Bab El Oued. En vain. Au moment de quitter les lieux, notre guide insiste pour nous faire visiter sa maison. «On sera peut-être les prochaines victimes» avance-t-elle comme pour nous convaincre. Les ruelles de la Casbah ressemblent à tout sauf à un site historique d'importance mondiale. L'état des murs et des parterres témoigne d'un laisser-aller total. Tout au long des dix minutes de marche qui séparent la maison accidentée et celle de notre guide, à la rue de la mer Rouge, la vieille dame nous retrace sur un ton taciturne, ses malheurs. La maison collective qu'elle habite comporte une quinzaine de chambres. Elle est, hélas, partagée entre treize familles. Avant de pénétrer dans la demeure, des images d'une grande maison avec un immense patio ensoleillé défilaient dans notre imaginaire. C'est sans le souvenir de la Grande Maison de Mohamed Dib. A peine le seuil franchi, l'image fondit devant l'horreur de la réalité. Le grand espace fut remplacé par une étroitesse suffocante. L'odeur du moisi emplissait les lieux. La brave femme explique que le problème majeur de la maison est l'eau. «En hiver, c'est un vrai calvaire, l'eau pénètre de partout» gémit-elle. Plafonds et murs sont perméables à l'eau de pluie. Les habitants du rez-de-chaussée sont confrontés à un autre calvaire: la montée des eaux. L'état global de la maison est lamentable. Les murs et les plafonds sont soutenus par des madriers. Les habitants affirment que c'est l'APC qui a «calé» la maison il y a à peu près 9 ans. Les autorités projetaient de restaurer la maison selon les propos des habitants. Une démarche récusée par les habitants en raison, d'une part, de l'état de la bâtisse endommagée, et du fait qu'ils seront, d'autre part, obligés de «vider» les lieux. Or, ils n'ont nulle part où aller durant le temps que prendra la restauration de la maison. De ce fait, ces habitants revendiquent des logements décents. Dans la même rue, beaucoup de maisons sont déjà tombées. Des solutions pour sauver la Casbah et ses habitants s'avèrent urgentes.