Quatre heures du matin dans un immeuble bourgeois de Stuttgart. C'est dimanche. Tous les locataires dorment, y compris M. Horst, lorsqu?une violente sonnerie le tire de ses rêves. Qu'est-ce ? Le réveil, le téléphone ? Non, c'est à la porte. Quelqu'un est suspendu à la sonnette qui ne cesse de résonner, c'est insupportable. M. Horst, qui est célibataire et s'est couché très tard la veille, se traîne jusqu'à la porte en grognant, l'ouvre et reste paralysé de peur devant le spectacle : son voisin est là, devant lui, les yeux fous, il tient un revolver à la main et sa chemise est barbouillée de sang. «Monsieur Horst, s?il vous plaît, monsieur Horst, appelez une ambulance, vite, j'ai tué ma femme. Je vous en prie, dépêchez-vous, je vous en prie?» Horst bondit sur le téléphone, sans demander plus d'explications. Quelques minutes plus tard, il aperçoit l'ambulance garée le long du trottoir. Deux hommes en blouse blanche galopent dans l?escalier, il entend un remue-ménage, et immédiatement les brancardiers réapparaissent. Sur la civière, une jeune femme, recouverte d?un drap rouge de sang, ses cheveux blonds traînant dans le vide. C'est Loli R., sa voisine, la victime. Accroché à la civière, se traînant à genoux sur le trottoir, son mari tente de la serrer dans ses bras en hurlant : «Dis-moi que tu vis encore, Loli... Dis-moi que tu vis !» Les ambulanciers sont obligés de le tirer de force en arrière. «Allons, monsieur, elle va mourir... restez tranquille...» Alors l'assassin s'effondre à terre en sanglotant, les deux bras tendus vers l'ambulance qui démarre. De sa fenêtre, le voisin l'entend crier longtemps encore des choses incompréhensibles. Que fait la police ? Le voisin a oublié de l?appeler, il n?a songé qu?à l?ambulance et à la femme. En bas, sur le trottoir, le mari se redresse en titubant. Il va peut-être chercher à fuir. Mais non : le voilà qui remonte les escaliers, presque en rampant, comme un animal malade. Un homme comme lui, ingénieur, si calme et si pondéré d?habitude. M. Horst revient sur le palier, et interpelle son voisin : «Euh... vous avez tiré sur votre femme ? Vraiment ?» «Oui?» «Qu'est-ce que vous allez faire maintenant ?» «Je ne sais pas? Je ne sais pas? Loli est morte, vous avez vu ?» «Mais les infirmiers ont dit qu'elle était blessée seulement, non ?» «Ils ont dit qu?elle allait mourir. Mais moi j?ai bien vu, elle est morte? morte?» «Il faut appeler la police.» L?homme fait un geste désabusé. Il s?est assis par terre devant la porte ouverte de son appartement. Le voisin peut apercevoir dans la pièce principale un désordre épouvantable et du sang partout. Dire qu?il n?a rien entendu... Il demande : «Dites, où est votre revolver ?» L?autre fait un signe d?ignorance. Il a l?air soûl de chagrin. Par moments, il est secoué de sanglots secs. «Pourquoi avez-vous fait ça ?» «Pourquoi ? C?est ça le pire ! Pour rien, pour rien ! Je l?ai tuée pour rien.» (à suivre...)