Croix-Rouge, police, protection civile : les îles Canaries ont été prises de court par la déferlante sans précédent d'émigrés africains qui abordent ses côtes en quête de rêve européen. «Il y a deux mois, nous avions fait une prévision de nos besoins pour les six prochains mois en tablant sur une moyenne de deux à trois embarcations par semaine. Nous avons déjà tout épuisé», témoigne le coordinateur de la Croix-Rouge dans l'archipel espagnol. Il explique qu'il va devoir passer de nouvelles commandes de vêtements, couvertures et nourriture que la Croix-Rouge distribue aux émigrants qui arrivent exténués après leur traversée de plusieurs jours. C'est qu'en une semaine, le rythme quotidien d'arrivées de «pateras» ou de «cayucos» partis de Mauritanie ou du Sénégal a été de deux à trois, pour atteindre dix jeudi, le record d'affluence de l'année avec 656 émigrants. Les derniers chiffres sont alarmants : avec près de 7 500 arrivées de clandestins aux Canaries depuis janvier, 2006 est assurée de pulvériser le record de 9 929 interceptions atteint en 2002 pour l'ensemble de l'année. «C'est presque comme une invasion», plaisante une jeune volontaire de la Protection civile, qui vient de s'occuper d'un groupe de clandestins à peine débarqués au Puerto de los Cristianos, au sud de Tenerife. «Ce n'était pas prévu. Les informations dont nous disposions ne nous laissaient pas prévoir une immigration aussi massive. Nous étions prêts pour un accident, pas pour une telle avalanche», reconnaît également le chef local de la protection civile. Ses volontaires comme ceux de la Croix-Rouge ont répondu au défi en assumant des tours de garde impossibles, dormant, pour certains, à peine trois ou quatre heures par nuit.