InfoSoir : Vous avez consacré une partie entière de votre livre aux problèmes pédagogiques rencontrés au niveau de nos écoles. Comment remédier à cette situation ? Tahar Kaci : A force de parler de l?Ecole en général, de la nécessité d?une réforme globale et radicale, de restructuration, de substitution de systèmes, on en arrive à ignorer que l?éducation, l?enseignement et la formation sont d?abord et essentiellement des pratiques réelles et concrètes qui engagent des élèves, des enseignants dans des environnements sociaux, économiques, culturels différents et contraignants pour tous. Ce sont ces aspects de l?école au quotidien que j?ai tenu à aborder. Comment remédier à cette situation ? D?abord en accordant l?intérêt nécessaire à cette dimension et en l?intégrant comme un axe fondamental dans la conduite des réformes. Une telle préoccupation touche différents aspects de la vie du système. Dans l?organisation et la gestion du système, il faudrait redonner du sens et de l?efficacité aux activités d?animation et d?écoute psychopédagogique, aux tâches et aux fonctions de direction, d?inspection et de conseil pédagogique au sein des établissement et des circonscriptions. Au niveau des moyens, il convient, en priorité, d?en doter tous les établissements de bibliothèques et de développer les activités de lecture, de recherche et de traitement documentaire. Le livre reste un moyen indispensable d?accès au savoir et à la culture. On devrait également créer, au sein des circonscriptions, des lieux de rencontre et de débats pour les enseignants sur la base de documentation pédagogique et scientifique. Les nouvelles technologies de l?information et de la communication peuvent aider et renforcer la motivation. La communication doit également être prise en charge. Une presse spécialisée dans les questions d?éducation et de formation contribuerait à élargir les frontières des pratiques restreintes et faire connaître toutes les expériences positives ou négatives qui font l?école concrète de tous les jours. Elle contribuerait à sortir de la «clandestinité» les initiatives pédagogiques et à positiver l?esprit critique. A travers toutes les activités pédagogiques et notamment les activités sportives, artistiques ainsi que les activités d?éveil et d?investigation, il faudrait donner aux élèves l?occasion de s?exprimer, de communiquer, de créer, de s?organiser afin d?apprendre à s?assumer psychologiquement, socialement et culturellement. Enfin, le perfectionnement et le recyclage des enseignants ne devraient pas se limiter aux aspects académiques. Ils devraient s?organiser autour d?objectifs de modification et d?évolution des comportements pédagogiques et des pratiques d?enseignement. Des mesures, allant dans le sens d?un changement dans l?organisation du cursus scolaire en Algérie, ont été prises. Pensez-vous qu?elles vont dans le bon sens ? L?information disponible en la matière se limite à ce que rapporte la presse généraliste sur la question. Elle ne permet pas de s?exprimer sur le fond. A ce propos, on ne peut que déplorer l?absence d?une presse spécialisée qui traiterait des problèmes pédagogique, d?éducation et de formation. Elle contribuerait certainement à clarifier les débats et à évacuer les approches superficielles et subjectives. Cela étant, tout changement, allant dans le sens de l?actualisation des programmes, de la modernisation des manuels, du perfectionnement des enseignants et dans le sens de l?adaptation de l?organisation des cursus, est positif et porteur d?une amélioration potentielle de la qualité de l?enseignement. Concernant la réorganisation du cycle d?enseignement fondamental, il y a lieu de préciser s?il s?agit, comme beaucoup l?interprètent, d?un retour à la situation antérieure, soit deux cycles distincts, même s?ils sont complémentaires, ou s?il s?agit toujours d?un cycle d?enseignement unique dont on a modifié la durée et les articulations ? Dans le premier cas, je pense que ce serait une régression et un retour à tous les problèmes qui ont motivé la mise en place de l?école fondamentale en son temps, notamment en matière d?obligation scolaire, de sélection et en matière d?orientation scolaire et professionnelle. Par ailleurs, l?allongement de la durée du cycle ne suffit pas à résoudre les problèmes de rendement scolaire. Il faut également s?occuper de la gestion pédagogique des apprentissages tout au long du cursus pour éviter que les défaillances ne s?accumulent chez l?élève pour devenir à terme des causes d?échec et de déperdition. L?approche que l?on a de la question du redoublement est, de ce point de vue, essentielle.