La commune d?El-Mouradia exhibe un visage hideux et meurtri à tout visiteur qui ose s?aventurer dans ses ruelles étroites et entrelacées, découvrant l?effrayante vérité : la misère et la précarité survivent même dans les recoins de ces quartiers de «désinvolture» d?Alger. En contrebas de la route menant vers Souidani-Boudjemaâ, s?élèvent les vestiges d?une bâtisse coloniale : des murs lézardés, des plafonds et des escaliers dévorés par l?humidité et les années. Pourtant, neuf familles y vivent depuis 1962. L?eau ne coule plus dans les robinets ; ces malheureux citoyens sont obligés de quémander le précieux liquide dans les cités alentour, une corvée épuisante qu?ils effectuent quotidiennement. «Notre bâtisse a été classée orange par les contrôleurs du CTC alors qu?elle menace de s?écrouler sur nos têtes ! Une autre secousse et nous serons tous sous terre !». Des familles qui comptent plus de sept personnes s?entassent dans une seule pièce qui fait office de cuisine, de salle de bains, de chambre à coucher? «C?est impossible de vivre en paix dans ce trou à rats. Les conflits familiaux éclatent souvent avec nos oncles qui habitent avec nous, c?est l?enfer !», raconte Amel. Un peu plus loin, au n°55 du chemin Mohamed-Gacem, plus de 20 familles s?abritent dans des logis crevassés et fendillés, des ordures jonchent le sol bourbeux, l?endroit est sale et insalubre? le même calvaire. «Nous appréhendons l?hiver, car les pluies s?abattront comme d?habitude sur nos fragiles demeures. C?est très dangereux car nos bâtisses s?effritent, on risque notre vie en restant ici !» L?autre face d?El-Mouradia, la «pupille» de la capitale affronte les mêmes fléaux que les autres quartiers de l?Algérois. Près de 300 familles vivent dans la précarité, attendant, apeurés, que la mort les arrache à cette vie. Elles sont désespérées, et se sont déplacées à plusieurs reprises pour se plaindre au maire qui, selon eux, s?est dit impuissant et leur a recommandé d?aller voir le premier responsable de la wilaya. «Le wali refuse de nous recevoir. Qui nous écoutera alors ? Sommes-nous réellement des Algériens ?» Il faut dire que la plupart des maisons qui longent les deux rues principales, les quartiers ex-la Redoute et les Mimosas connaissent une situation pareille, la plupart des maisons sont dans un état lamentable. Les citoyens attestent que les agents du CTC les ont classées «orange» alors qu?elles étaient, bien avant le séisme, classées «rouge». N?ayant pas où se réfugier, ils espèrent une clémence humaine qui, toutefois, tarde à venir. Ces abris trop précaires ont été beaucoup plus endommagés par le séisme du 21 mai ; ils sont en état de dégradation avancé, les murs et des piliers se sont fissurés et risquent de s?effondrer. Une prise en charge urgente s?impose pour évacuer ces démunis et détruire ces ruines. Près de 80% des habitants d?El-Mouradia souffrent de la crise du logement, 40% d?entre eux vivent dans des maisons qui menacent ruine, alors que les autres 40% endurent la promiscuité, indique Amar Ziane, vice-président de l?APC chargé du social et de la culture. «Nous avons même soulevé ce problème devant le wali-délégué, qui nous a encore rétorqué que notre commune jouit d?une bonne réputation et qu?elle ne connaît guère la crise du logement ! C?est aberrant ! Nous restons impuissants face aux doléances de nos concitoyens qui viennent souvent se plaindre de la précarité et de l?insalubrité de leur logis !». Notre interlocuteur affirme notamment que cette commune n?a jamais bénéficié d?un quota de logements : «El-Mouradia a bénéficié d?un quota de 20 logements, il y a quelques années, mais on ne sait plus à qui ils étaient destinés. 600 milliards de centimes ne suffisent pas à gérer tous les problèmes de la commune.» Il ajoute que la mairie reste impuissante devant cet état de fait, ne pouvant résoudre ces difficultés. Ce responsable évoque également les questions de l?hygiène et de l?éclairage, qui ne relèvent pas de l?APC mais dont la gestion est défaillante, car certaines Epic tardent à intervenir et à prendre en charge les préoccupations des citoyens. M. Ziani précise enfin qu?il faut évacuer ces citoyens dans les plus brefs délais et aider la commune à résoudre cette crise du logement : «Nous avons des solutions à proposer, nous voulons en finir avec ces problèmes.»