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La colline qui rappelle la misère
Sur la route de Chréa en partant de Blida se trouve Sidi Kebir
Publié dans El Watan le 26 - 07 - 2006

Ce sont 6000 habitants disséminés sur quelques ruelles et une artère principale qui ne mène nulle part. Elle se termine comme une impasse où les rares bus assurant la navette amorcent le demi-tour afin de « redescendre » vers la ville. Le centre est situé en altitude, à 400 m, et est considéré comme le premier lieu d'habitation du saint andalou Sidi Kebir.
Cherche-t-on un lieu pour expliciter ce long cheminement de l'histoire ? L'école offre le minimum d'enseignement aux 260 potaches ainsi qu'un repas à midi. Une enfant est décédée, il y a quelques années, à cause d'un automobiliste accro de vitesse. Pas de ralentisseur assurant la sécurité des élèves, depuis sa suppression pour la visite (annulée) du Président, et pas de signalisation informant de l'existence d'une école. 260 élèves qui courent un risque quotidien. Deux logements de fonction sont en chantier depuis le mandat de l'ancien exécutif communal de 1998 et un gardien est venu prendre d'autorité l'un d'eux en lui plaçant une porte, une fenêtre et une cuvette. Le taux de réussite à l'examen de 6e a été, cette année, de 65%. L'état des lieux est peu reluisant : décharge publique en face de la porte d'entrée, toilettes servant au voisinage et indisposant jusqu'aux enseignants, mur de clôture non encore terminé... Pourtant, une enveloppe de 72 millions de centimes a été accordée pour la restauration. « Mes nombreuses doléances à l'Apc sont restées sans suite et j'ai même demandé qu'on m'écrive au verso des correspondances ‘'je vous em...'' pour que je sache que les lettres ont été lues », dira, en colère, le directeur.
Des classes d'écoles devenues des logements
Par ailleurs, les 700 m3 d'eau consommés prouvent que le voisinage bénéficie de conduites « clandestines » profitant de la promesse non tenue d'édifier un mur de clôture après la fin des travaux d'aménagement d'une bâche à eau, il y a trois ans. Des logements de fonction sont devenus des abris pour des familles sinistrées, bien que deux enseignants affectés à cette école, suite à la fermeture de celle de Beni Sbiha — lieu situé à quelques kilomètres dans les montagnes de Chréa —, logent l'un dans une habitation précaire à quelques centaines de mètres plus bas et l'autre loue un appartement à Boufarik, ville distante de plus de 15 km. Ces deux familles déclarent avoir déposé une demande de logement à Blida depuis 1989, soit 17 années. Les deux enseignants, qui ont vécu l'enfer en 1997 à Beni Sbiha, ne veulent plus y retourner. D'ailleurs, l'école est toujours fermée. Quatre classes avaient été aménagées en logements pour des familles qui occupaient illicitement des logements précaires au nouveau chantier de l'entreprise des eaux Sidi Kebir. Pas de bibliothèque dans l'établissement ou ailleurs et aucune animation pour les centaines d'enfants. « Les trois mois de vacances sont synonymes de vide culturel pour les jeunes de Sidi Kebir », dira l'un des instituteurs. Une visite aux familles dans le voisinage permettra de découvrir la précarité ambiante de la vie des citoyens. Une mère de 3 enfants, dont l'aîné est en 2e année de droit à l'université de Blida, vit le calvaire depuis la perte de son époux en 1997. Le plafond des deux chambres, aménagées dans les lieux qu'occupaient les patriotes, devient une véritable passoire les jours de pluie et c'est toute la petite famille qui termine la nuit chez les voisins. La veuve, qui exerce comme agent d'entretien à l'école, touche un salaire mensuel de 8000 DA, à peine de quoi tenir jusqu'à la fin du mois. Deux familles, ramenées à cet endroit tenant lieu de dispensaire après avoir vécu le martyre durant les années noires, diront : « Nous ne pouvons plus vivre dans ces conditions qui nous ont été imposées. Il est déplorable que le P/Apc de Blida nous dise que c'est à celui qui nous a amenés ici de nous trouver une solution. » Plus bas, un centre de soins et un bureau de poste. Ce dernier brille par l'absence d'usagers et le trop-plein de poussière. Le préposé au guichet bénéficiant également d'un logement sur place espère le renforcement des lieux par l'apport de… deux autres fonctionnaires. Broussaille, chemin escarpé et espace n'annonçant que relativement la salle de soins où le médecin de service reçoit pour quelques heures des malades ayant beaucoup plus besoin de réconfort moral que de consultations médicales. Le médecin de service exerce depuis plus de 16 ans dans la région et semble s'être fait une raison. Il continue à travailler à Sidi Kebir. Pour preuve, le réseau de viabilisation et d'évacuation des eaux usées est obsolète et les buses installées en 1998 auraient dû être plus grandes. « Les services techniques nous avaient promis pour 2005 des changements », dira un des représentants du village. Autre fait qui incite à la colère : la facture de l'eau. « On nous envoie des factures de plus d'un million de centimes pour une eau qui nous appartient, même si nous savons que les richesses du sous-sol appartiennent à l'Etat ! Des réductions devraient être accordées à une population dont la majorité des hommes est au chômage, une région qui a souffert de la décennie noire et qui souffre encore du manque d'égards des autorités », dira l'un des citoyens. La visite à travers les différents quartiers permet de constater le dénuement total de la ville allant jusqu'à l'absence d'un relais de téléphonie mobile. Eclairage public déficient, maison de jeunes inexistante, dispensaire fermé, fort taux de chômage, routes et chemins rocailleux, décharge publique non limitée par une murette, absence de considération des responsables locaux. « Rares sont les jeunes qui réussissent à poursuivre leurs études à l'université », dira un père de famille qui assure la cueillette de figues chaque matin de bonne heure et « remonte » au village avec le « minimum » : quelques baguettes de pain et deux à trois litres de lait.
Une carrière abandonnée seule source de revenus
Les jeunes survivent dans cet espace fermé ne menant nulle part. Ils vendent des légumes frais dans les rues étroites du souk de Blida, proposent leurs services devant les étals de Bab Rahba, gardent des parkings au pourcentage avec quelques gros bras, surveillent et/ou proposent quelques joints à d'autres jeunes avides de sensations. La carrière abandonnée est aussi une source de revenus. La pierre y est cassée dès les premières heures de la journée avant qu'il ne fasse chaud. Quelques jeunes escaladent les talus jusqu'à des endroits inaccessibles aux véhicules. Là, ils piquent à la pioche la roche et laissent tomber, à travers de longs morceaux de tôle joints les uns aux autres, la pierraille nécessaire à la construction que viennent charger des camions de moyen tonnage. Roche d'un côté et pierres de l'oued d'un autre, triées et ramassées par d'autres jeunes. A 10 h, le travail est terminé et la vie semble suspendue pour tous ces jeunes jusqu'au soir où des groupes se forment pour jouer aux dominos, fumer, regarder la télévision. Vivoter en ces lieux où rien n'a été entrepris par l'Etat relève de l'équipée hasardeuse pouvant déboucher sur la catastrophe. « Il est loin le rêve que porte en soi tout jeune avec cet horizon fermé », confiera un jeune homme reconverti en chauffeur de taxi clandestin. Les ruelles étroites et en pente ne disposent pas de murs de soutènement empêchant les chutes, les citoyens craignent pour leur sécurité. « Les habitants ramènent de temps en temps des sacs de ciment pour le revêtement des chemins ou l'édification de clôture. Jusqu'à quand allons-nous gérer cet endroit avec le peu de moyens dont nous disposons ? », dira un autre citoyen. « J'aurais aimé que les responsables à différents niveaux viennent tâter les obstacles que nous surmontons quotidiennement », criera un ex-vigile. « Nous exposions nos vies pour que d'autres vivent en sécurité et rares étaient alors les hommes qui osaient seulement se hasarder à l'extérieur et nous ne récoltons rien de ces années passées à scruter la montagne ! », poursuit-il. La décennie noire a laissé des séquelles et le centre de Sidi Kebir a payé un lourd tribut. La cellule de proximité relevant de l'Agence de développement social manque d'espace pour un soutien effectif à la population et chaque groupe de citoyens y va de son interprétation. Les fonctionnaires à l'intérieur ne veulent pas s'exprimer, mettant en exergue l'existence d'une cellule de communication au niveau de la tutelle à Alger. Le forage de puits à la source de Taberkachent, plus au sud, ne laisse rien transparaître et le désir de savoir quel sera le taux d'intégration de la main-d'œuvre locale butera sur l'incompréhensible mutisme du premier responsable de l'entreprise. Un petit pont ou passerelle a été remplacé en 1998 par un plus grand et les deux buses laissant passer l'eau commencent à être obturées. Le niveau avec la route ne diffère que de quelques dizaines de centimètres et de fortes pluies toujours possibles risqueraient d'emporter tout le haut du centre, cher à tous les Blidéens. Cher par l'existence du mausolée où est enterré le saint homme et où se pose encore aujourd'hui le problème de l'extension de l'espace réservé à la prière. La famille, descendante directe du saint homme, chargée de l'entretien de la zaouïa, empêcherait la surélévation des murs et deux idées s'opposent : une volonté des responsables de construire une seconde mosquée à un emplacement où d'autres verraient bien un lieu d'animation et de rencontre pour les jeunes. Au même moment où les animateurs de la cellule de proximité sise à la jonction des oueds Taberkachent et Sidi Kebir (asséchés) espèrent bénéficier, dans un avenir pas trop lointain, des murs de l'emplacement actuel des logements de fortune. Espace occupé par le dispensaire que regrettent tous les habitants et jusqu'à l'ambulance et le fauteuil dentaire qui ont pris un autre trajet. Les ruelles trop étroites de la zaouïa renferment, elles aussi, des habitations dont quelques-unes sont centenaires et dans un état que le nouveau wali a constaté lors de sa discrète visite, il y a moins d'un mois, et où il avait demandé le renforcement de l'éclairage public. Château d'eau plus bas, vide, et des habitants qui se rappellent des dernières pluies et le secours de la commune illustré par… « quelques mètres de plastique qu'ils nous ont demandé de partager », dira un résident. Des conduites d'eau ont éclaté à deux endroits et la précieuse eau est gaspillée depuis plus de quatre mois, selon plusieurs citoyens. Des demandes de rencontres de l'exécutif de la commune de Blida demeurent sans résultat : « Deux maires ont osé venir nous voir depuis l'indépendance, le docteur Baghdadi et M. Mellak qui a été suspendu », dira un vieux aux longues moustaches qu'il a laissé pousser comme une arrogance. Plusieurs avaloirs d'évacuation des eaux bouchés le long de la route principale et des enfants qui étaient obligés de porter des bottes les jours de pluie selon des parents qui insistaient pour montrer les dessous encombrés par toutes sortes de déchets. Refaire les conduites, ramener le gaz de ville dans cette région où le froid est intense en hiver, proposer du travail dans le seul chantier en place à la nombreuse main-d'œuvre, renforcer le transport et l'éclairage publics sont parmi les priorités de Hay Sidi Kebir, dont les habitants ne savent plus à quel saint se vouer.
Le chômage, les joints et l'ennui
Le stade, espace dégagé au voisinage de l'école et en contrebas de la route, a vu dans un passé récent vestiaires et douches emportés par les eaux. Un club est en projet avec affiliation à la ligue de football de la wilaya, mais tout lui manque puisque rien n'existe. Pas d'aide à la construction rurale, pas d'emploi dans le cadre de l'Ansej ou de la Cnac. « Personne ne vient pour nous expliquer et notre faciès permet aux fonctionnaires en ville de se moquer de nous », dira un jeune au bord de la crise de nerfs, qui abat sa colère sur la pierre dans la journée en se réfugiant le soir dans la fumée de quelques joints. « Personne n'a touché l'aide à la construction rurale et on ne nous considère pas comme des êtres humains », renchérira un autre qui a eu encore cette tirade : « Aucun habitant du village n'a un poste de responsabilité à la wilaya, sinon notre situation se serait nettement améliorée. » Et dire que Denis Martinez et son équipe, venus au mois de mai dernier, ont par leur présence sorti quelque peu l'endroit de sa léthargie. Enracinement et résistance peuvent être également le credo de ces quelques milliers de personnes qui sont algériennes et algériens, fiers de rester dans leurs terres et fiers de ne pas tendre la main. « L'eau semence de la vie », comme l'écrivait Nourredine Saadi dans la supplique à Sidi Ahmed El Kébir, se révèle juste pour cette terre qui a vu son eau captée et transmise plus bas à la ville par les voies souterraines, ôtant ainsi mouvement et vie aux rives de l'oued asséché.


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