Cinéma n Réalisé par Djamila Sahraoui, Barakat, une coproduction franco-algérienne, est un film où l'action se déroule en Algérie, dans les années 1990. C'est l'histoire de Amel, la trentaine, un médecin urgentiste à l'hôpital. C'est aussi l'histoire de Khadidja, infirmière d'une soixantaine d'années, une femme avec une grande efficacité et une bonne dose d'humour. Après le travail, Amel attend Mourad, son mari journaliste. Mais elle doit emmener en urgence à l'hôpital Bilal, le petit garçon de ses voisins. Quand Amel revient, le lendemain soir, Mourad a disparu. Et la voilà en voiture sur les routes, à la recherche d'un maquis islamiste. Khadidja, qui a tenu à l'accompagner, retrouve les réflexes, les ruses et les déguisements de son passé de combattante contre l'armée française. Capturées par les islamistes, les deux femmes ne doivent la vie sauve qu'à leur chef, Hadj Slimane, qui s'acquitte ainsi d'une dette contractée envers Khadidja pendant la Guerre de libération. Libérées, Amel et Khadidja reprennent la route. Dans la montagne, elles trouvent refuge dans la maison isolée d'un vieil homme solitaire. C'est dans une carriole tirée par une mule que Amel et Khadidja, accompagnées du vieil homme, voyagent désormais. Ainsi les deux femmes évoluent dans l'Algérie malade du début des années 90. C'est dans ce qui est à la fois affrontement et connivence entre les deux femmes que s'ancre le film. Mais leurs différences s'estompent dans leur commune condition de femmes, qu'elles transgresseront en pénétrant avec un malin plaisir des territoires interdits. Elles osent faire scandale dans un café, s'afficher librement dans la rue et surtout rejouer les risques pris lors de la guerre d'indépendance. Introduit par une magnifique voix a capella, ponctué par l'ould d'Alla, tourné sans excitation en plans fixes et prenant le temps de laisser aux personnages leur regard et leur dignité, notamment le vieil homme qui accueille les deux femmes en fuite, ce film tout en sobriété et doté de furtifs moments d'émotion pourrait convaincre s'il n'était construit sur une alternance pesante de dialogues à messages et de respirations musicales. Cette faiblesse de traitement plombe malheureusement sa pertinence, alors qu'il ne se veut pas seulement œuvre de mémoire mais aussi et surtout de réflexion. Connue pour l'excellence de ses documentaires (La Moitié du ciel d'Allah, Algérie la vie toujours, Et les arbres poussent en Kabylie), Djamila Sahraoui a voulu passer à la fiction sans les limites de ce qui ne se dit pas face à une caméra pour lancer un grand cri : basta ! ça suffit ! (barakat) Il y a dans cette pérégrination de deux femmes beaucoup de finesse et d'humanité.