«Tant que ce pays méprisera la moitié de sa population, il ira mal», confie la réalisatrice... Quelque part dans les années 1990 de cette Algérie «malade», Amel, la trentaine, enthousiaste, est médecin aux urgences de l'hôpital. Khadija, infirmière d'une soixantaine d'années, la seconde avec une grande efficacité et une bonne dose d'humour. Après le travail, Amel attend Mourad, son mari journaliste. Mais elle doit emmener, en urgence à l'hôpital, Billal, le petit garçon de ses voisins, qui souffre d'une appendicite. Quand Amel revient le lendemain soir, Mourad a disparu. Elle craint le pire. Le garagiste lui indique, alors, que son mari a été enlevé par des extrémistes et qu'il est détenu dans le maquis. Et la voilà en voiture sur les routes, destination le maquis, pour tenter de libérer son mari. Khadija, qui a tenu à l'accompagner, retrouve les réflexes, les ruses et les déguisements de son passé de combattante contre l'armée française. Capturées par les islamistes, les deux femmes ne doivent la vie sauve qu'à leur chef, Hadj Slimane, qui s'acquitte ainsi d'une dette contractée envers Khadija pendant la guerre d'Algérie. Libérées, Amel et Khadija reprennent la route. Dans la montagne, elles trouvent refuge dans la maison isolée d'un vieil homme solitaire. C'est dans une carriole tirée par une mule que Amel et Khadija, accompagnées du vieil homme, voyagent désormais bravant les dangers et essuyant maintes péripéties...On croyait le temps des films sur la «tragédie nationale» révolu et qu'on commençait à passer à autre chose, eh bien ce film nous replonge dans cette terreur emblématique des années de terrorisme et d'intégrisme. On n'en a pas assez fait, répliqueront de toute façon certains, pas encore fait totalement le deuil...Soit. Tourné au printemps de 2005, le film Barakat ! est une coproduction entre Les Films d'ici, Arte France cinéma, l'Entv et Nomadis Images. D'après le scénario de Djamila Sahraoui et Cécile Vargaftig Le film a bénéficié d'une pléiade d'acteurs de choix en les personnes de Rachida Brakni (Amel), Fettouma Oucliha Bouamari (Khadidja) et Zahir Bouzrar (le vieil homme), Malka Belbey (Nadia) et Ahmed Benaïssa (Hadj Slimane). Le film Barakat ! sortira en salles (françaises) le 13 septembre prochain. Il a, par ailleurs, obtenu le Prix du meilleur film africain au 16e festival du cinéma africain d'Asie et d'Amérique latine à Milan, qui s'est tenu du 20 au 26 mars dernier. Aussi, il a pris part du 9 au 19 février 2006 à la 56e Filmfestspiele de Berlin. Barakat ! a pris part récemment, du 22 au 30 juillet 2006, à la 8e biennale des cinémas arabes (Paris/Institut du monde arabe/Marseille/Poitiers), du 30 juin au 10 juillet 2006, au 34e festival international du film de La Rochelle, et du 17 au 23 juin 2006 à «l'Ame du Maghreb», premières rencontres cinématographiques de Carros. Notons que Barakat ! constitue la première tentative de fiction pour la réalisatrice, Djamila Sahraoui, après s'être essayée au documentaire. Définissant ce long métrage comme «une odyssée», car il était important pour elle que les deux femmes fassent ce très long tour pour enfin revenir chez elles, pour la réalisatrice il était nécessaire que ces deux femmes partent de chez elles, s'éloignent de leur univers pour aller vers le danger et l'inconnu mais aussi à la rencontre de l'autre. «Ce voyage leur permet d'apprendre à se connaître. Elles travaillent ensemble mais ne se sont jamais vraiment parlé». A propos du titre choisi pour le film, Djamila Sahraoui évoque la violence qui gangrène cette société et qui doit s'arrêter. «(...) Il y a un travail de justice et de mémoire à faire. Il faut raconter et expliquer le passé pour pouvoir le digérer et passer à autre chose». C'est parce que le réel est frustrant que la réalisatrice a décidé de s'attaquer à lui et de lui donner forme et parole. Elle s'évade ainsi vers la fiction. «Tant que ce pays méprisera la moitié de sa population, il ira mal», confie la réalisatrice. Et de renchérir: «Et pourtant, elle tourne...l'Algérie. Elle vit notamment grâce aux femmes. Elles résistent à leur manière. Elles vivent tout simplement. En mettant un point d'honneur à rester belles. Voilà l'héroïsme des femmes algériennes.» Evoquant le côté technique, la réalisatrice dit ne pas être adepte de la caméra agitée. «Pourquoi faire un mouvement de caméra quand un plan fixe peut exprimer la même chose ? En mieux, parce qu'il me permet de me concentrer sur les émotions des personnages, et sur tous les moments de grâce possible, même fugitifs. Priorité donc aux plans fixes avec un choix très rigoureux de l'angle de prise de vue. Chercher, chercher encore et toujours la meilleure place de la caméra qui puisse révéler le corps frêle de Amel, noué par l'angoisse, ses yeux flamboyants demandent des comptes à la terre entière...révéler Khadija à la démarche calme et sûre, aux gestes retenus, à l'humour qui lui sert de carapace...» Poursuivant à propos du film, la réalisatrice fait remarquer que Barakat! aura un rythme lent. «C'est le rythme de la carriole, de la campagne, de l'errance. C'est aussi le rythme des films qui s'attachent aux émotions des personnages et qui leur laissent le temps de les exprimer. Par des regards, des silences et des gestes, plus que par des paroles. Ce sera en Algérie...». Barakat!, un titre qui nous renvoie aussi à cette belle supplique de chanson de Gnawa Diffusion.