Théâtre n Chaque été, depuis 11 ans, un Britannique passionné propose des pièces de William Shakespeare dans un site naturel de Bretagne. Le choix de la région n'est pas fortuit, ses paysages tourmentés se mariant à merveille aux œuvres du «plus grand des écrivains dramatiques». Shakespeare in Trégor, la troupe de Keith-Marc Bradford, joue ces jours-ci Péricles, prince de Tyr, une «méditation sur la souffrance et l'endurance humaine», à la pointe du château de Trestrignel, face à la mer, à Perros-Guirec, à une centaine de milles des côtes anglaises. «Tout a commencé lorsque j'avais huit ou neuf ans, en Angleterre, je voulais monter Hamlet. Mais j'étais trop jeune, je n'avais rien compris», explique Keith-Marc Bradford, 60 ans. Etudiant à Oxford, il fait ses gammes dans le théâtre amateur. «J'ai joué la grande scène de Marc-Antoine dans Jules César», souligne fièrement ce natif «du centre de l'Angleterre», à la crinière blanche. Mais, il y a 16 ans, déçu par ses compatriotes, il décide de s'installer en France «où on est cultivé, et où on peut passer toute la soirée à dîner avec des amis, à boire du bon vin, sans que ce soit la foire d'empoigne». Il s'établit à Plouzélambre, à mi-distance entre Roscoff et Saint-Malo, où «la météo était alors idéale pour la culture de primevères» dans laquelle s'était lancée son épouse. «J'avais aussi, tout près, des clients pour mon métier de traducteur.» Il s'aperçoit vite que cette région du Trégor «a des paysages tellement variés qu'on pourrait y jouer toutes les pièces de Shakespeare». Ce coup du cœur débouche sur la création d'un festival consacré au dramaturge de Stratford-upon-Avon (centre de l'Angleterre) avec une vingtaine d'amis et d'habitants, qui jouent dans des troupes locales, souvent des pièces de boulevard. «Mais on ne peut pas vivre que de meringues, il faut parfois du bifteck», souligne M. Bradford, capable de déclamer Shakespeare en anglais et en français dans des traductions qu'il réalise parfois lui-même. L'une des premières créations est Roméo et Juliette, mis en scène devant un cimetière, à la lueur de flambeaux. «J'avais l'impression que Shakespeare était là, à mon épaule.» Suivront Les joyeuses commères de Windsor dans un cloître, La comédie des erreurs sur un parking des douanes, La tempête sur une butte face à la mer et Macbeth dans «un village gaulois» reconstitué. Pour Pericles, M. Bradford se contente du rôle du narrateur, laissant la mise en scène à un ancien professeur de théâtre qui s'est installé il y a deux ans dans les Côtes d'Armor, un département très prisé par les Britanniques et dont les côtes rappellent les Cornouailles anglaises.