Il était une fois un roi qui avait un fils adolescent. Le petit prince était un garçon très bien à tous points de vue, tant par son allure que par son caractère. Son père était tout le contraire. Tourmenté par la cupidité, il ne cessait de tout faire pour accroître ses profits les plus superflus et prélever encore plus d'impôts. Il vit un jour un vieil homme avec des peaux de zibelines, de martres, de castors et de renards. ? Holà, vieil homme, d'où viens-tu ? lui dit-il. ? Je suis né dans un village, Monseigneur, mais maintenant je travaille chez le nain de la forêt, répondit le vieux. ? Et comment attrapez-vous ces animaux ? poursuivit le roi. ? Eh bien ! Mon maître tend des pièges, et les bêtes sont assez stupides pour s'y laisser prendre, expliqua le vieil homme. ? Bon, écoute-moi, petit vieux, je t'offre à boire et je te donne de l'argent. En échange, dis-moi où vous posez vos pièges, lui proposa le souverain. Le vieil homme se laissa séduire et lui révéla l'endroit. Le roi ordonna aussitôt de mettre la main sur le nain et de l'enchaîner dans une tour en fer. Puis, il prit possession des pièges installés dans les réserves forestières de son prisonnier. Voilà notre nain de la forêt mis aux fers, regardant de temps en temps au-dehors par la lucarne de sa prison. Elle se trouvait au milieu d'un parc. Un jour, le fils du roi sortit se promener dans ce parc avec ses nourrices, ses gouvernantes et ses fidèles domestiques. Il passa à côté de la tour, et entendit le nain lui crier : ? Prince, sors-moi d'ici, et je me mettrai à ton service, supplia le prisonnier. ? Oui, mais comment te sortir ? répondit le prince. ? Va voir ta mère et dis-lui : «Chère maman, cherche-moi les poux que j'ai sur la tête», alors, pose ta tête sur ses genoux. Pendant qu'elle cherche dans ta chevelure, prends la clef dans sa poche et ramène-la moi. Le fils du roi fit ainsi qu'il lui avait été demandé. Il prit la clef dans la poche de sa mère. Ensuite, il se précipita dans le jardin, fabriqua une flèche, la posa sur son arc, le banda et l'expédia loin, loin. Puis il se mit à crier pour que ses gouvernantes et ses nourrices retrouvent la flèche. Elles se mirent en recherche et, pendant ce temps-là, le prince alla ouvrir la tour de fer et libéra le pauvre nain. Le nain de la forêt put ainsi reprendre ses activités et recommença à aller régulièrement relever ses pièges. Le roi ne trouvait plus de bêtes dans les pièges. Cela le mit en rage et il s'en prit à son épouse. ? Pourquoi as-tu donné la clef, et pourquoi as-tu fait sortir ce nain ? lui reprocha-t-il. Il convoqua les boyards, les généraux, les parlementaires afin qu'ils prononcent leur verdict : la tête sur le billot, ou l'exil ! Le jeune prince prit pitié de sa mère bien-aimée et alla trouver son père pour avouer que c'était lui le coupable. Le roi ne savait pas comment punir son propre fils. Il ne pouvait tout de même pas l'exécuter ! Finalement le conseil rendit son verdict : le prince était livré aux quatre points cardinaux, à tous les vents du sud, à toutes les tempêtes de l'hiver, à toutes les rafales de l'automne. On lui donna en tout et pour tout une besace, et il partit avec un menin pour compagnon de misère. (à suivre...)