10 novembre 2001-10 novembre 2002, un an, jour pour jour, s'est écoulé depuis le samedi noir qui a frappé le plus vieux quartier d'Alger, Bab El-Oued. Des inondations sans précédent s'y sont abattues, faisant près de 800 morts et environ 100 disparus. Des dizaines d'immeubles, des centaines de commerces, plusieurs infrastructures, des mosquées, des centres, des écoles...ont été inondés, en l'espace de quelques heures, par des tonnes de boue, transformant ainsi Bab El-Oued (la localité la plus touchée) en une grande mare et un tas de décombres. Hier encore, le souvenir de cette journée fatidique était toujours vivace. Est-il possible d'oublier un pareil désastre ? Certainement pas, surtout pour les habitants de Bab El-Oued qui ont vécu le pire. Une petite virée, hier, dans ce quartier nous a permis de constater une incroyable métamorphose. A Rachid-Kouache (la rue la plus sinistrée lors de ces inondations), il nous a fallu plusieurs tours pour nous repérer dans cet espace, devenu complètement inconnu pour nous. Tous les immeubles inondés ont disparu du décor pour laisser place à un nombre indéterminé de terrains de basket, de volley et autres places publiques. Au niveau du marché de Triolet, des dizaines de personnes étaient là, fixant l'immense terrain de basket avec un regard perdu, hagard. Sans doute, pour se remémorer l'ancien marché tant fréquenté par la population de la région à l'époque, mais hélas! Interrogés sur le passage qui mène vers Rachid-Kouache, quelques jeunes sur place nous indiqueront qu'on est justement dans l'endroit recherché, non sans faire une petite réplique: «Tout cela, c'est Rachid-Kouache. Malheureusement, il n'en reste pas grand-chose, si ce n'est quelques immeubles et la mosquée qui est toujours en chantier. Tout le reste est devenu un grand jardin public...». Un peu plus bas, du côté des Trois Horloges (les repères n'étant plus les mêmes), l'endroit n'a pas subi de grandes modifications, hormis quelques immeubles qui ont «sauté». Les commerces ont repris leurs activités après des mois d'arrêt forcé. Ammi Moh, propriétaire d'une pâtisserie nous confiera amèrement que rien n'est plus comme avant, même pas les clients dont l'affluence a sensiblement baissé. Ce n'est pas étonnant lorsqu'on sait que beaucoup de familles ont été relogées ailleurs, sans compter les centaines de victimes qui habitaient le quartier. A propos de la saison des pluies, notre interlocuteur indiquera qu'il n'y a plus de quoi avoir peur, car «tous les regards ont été débouchés. D'ailleurs, il ne se passe pas un jour, sans que les éboueurs passent pour nettoyer les rues notamment au niveau des regards», atteste-t-il. Seulement beaucoup reste à faire, que ce soit au niveau du marché des Trois-Horloges ou ailleurs. A propos de la visite du chef du gouvernement, M.Ali Benflis, visite qu'il a effectuée tôt dans la matinée d'hier, nombre de citoyens interrogés sur les lieux étaient déçus de ne pouvoir l'approcher. «On le voyait de loin, entouré de son protocole et d'une importante délégation. Malheureusement, personne n'a pu lui parler, idem pour le Président de la République». Certes, fort déçue, mais il était bien évident pour cette plèbe, qu'elle était bien trop loin pour serrer la main (on ne se tiendra qu'à cela) d'un Président où d'un Premier ministre, car pour ce faire, il aurait fallu transpercer une armée de gardes et autres. Selon nos interlocuteurs, bien des familles sinistrées à Zghara, à Beau-Fraisier et ailleurs attendent toujours d'être relogées, et bien des endroits encore sont aux oubliettes. «Pourquoi n'emmène-t-on pas les officiels dans ces régions-là?», s'interroge-t-on amèrement. Evidemment, il y a beaucoup à dire et à entendre à ce propos. Ce qui est sûr, c'est que la catastrophe de Bab El-Oued n'a toujours pas livré tous ses secrets.