Aïcha : «J?ai trop peur de cette opération» Emmitouflée dans son voile délavé, Aïcha, la main sur la joue, attend impatiemment, assise, sur les bancs froids de la salle d?attente du service de chirurgie faciale de l?hôpital Mustapha-Pacha, le retour de son frère et de sa mère qui viennent de la quitter à l?instant pour repartir à Blida. Les yeux larmoyants et le regard vague, elle confie qu?elle est venue, ce matin, juste pour une consultation et voilà que le docteur la retient ; son cas est urgent et elle l?ignorait totalement. Elle raconte qu?il y a quelques mois, elle souffrait terriblement de l?une de ses dents de sagesse qui refusait de pousser, elle décide alors de consulter un grand chirurgien-dentiste de la ville des Roses qui exerce dans une clinique privée. «Il fallait me faire une petite déchirure pour que ma dent retrouve un espace et puisse sortir de la chair. Mais ce spécialiste m?a incisé la gencive sans me donner un traitement adéquat à base d?antibiotiques, quelques jours après, ma bouche est infectée.» La jeune fille, âgée d?à peine 22 ans, appréhende l?intervention chirurgicale qu?elle doit subir aujourd?hui. Le professeur du CHU Mustapha qui l?a auscultée sur place va l?opérer pour lui enlever cette «gangrène» qui lui a rongé la joue gauche. «Je suis effrayée. Je n?aurais jamais dû me laisser traiter. Je suis revenue avec ma joue pourrie chez ce chirurgien privé et il m?a dit qu?il est impuissant et que je devais me rendre à l?hôpital pour me faire traiter !». Rabéa : «Mon enfant a échappé à la mort» Rabéa 43 ans, mère de famille, raconte son supplice. En janvier dernier, le cadet de ses enfants Yacine, âgé alors de 3 ans, a frôlé la mort. Des boutons purulents ont envahi son petit visage blond. Une fois à la polyclinique de la commune, et après une «auscultation visuelle», le pédiatre lui prescrit un traitement. Au bout de deux jours, les médicaments s?avèrent inefficaces alors que l?état de santé de l?enfant s?est aggravé. Les boutons se propagent sur tout son corps et s?accompagnent de fièvre et de maux de tête. «Nous avons dû l?emmener chez un médecin privé, ce dernier nous a certifié que si on n?avait pas ramené mon fils à temps, il serait déjà mort ! Etre malade dans ce pays, c?est mourir déjà !» Saâdia : «On m?a rendue stérile à 33 ans !» Saâdia est allée accoucher à l?hôpital d?Hussein Dey. Ayant un autre cas plus urgent, la sage-femme la confie à l?infirmière de garde. Cette dernière délaisse sa patiente souffrant de douloureuses contractions pour vaquer à ses occupations personnelles. Ayant des contractions plus fortes, la pauvre femme se tord de douleur, c?est alors que la servante de salle monte sur le lit et se met sur son ventre et, avec ses pieds, éjecte le bébé. La pauvre femme se retrouve avec des déchirures atroces. Elle a subi cinq opérations qui se sont terminées par une ablation de l?utérus. Après deux ans de mariage, cette femme est stérile à 33 ans ! La victime a déposé plainte, et la chaîne de responsabilité a été établie par la cour. La servante de salle a écopé d?une peine de prison, car elle n?avait pas à commettre son acte, elle devait appeler le médecin, et l?infirmière a aussi été condamnée, car elle ne devait pas abandonner son poste. La sage-femme a écopé d?une peine de prison avec sursis et elle a été appelée pour un autre cas urgent. La responsabilité a aussi été retenue contre l?hôpital, car c?est un établissement de service public qui a dû indemniser la victime.