Rencontre Ammi Djemaï s?est mis à prodiguer des conseils à son compagnon de circonstance. Si Ahmed s?était soudain senti comme stimulé par la présence toute proche du second camion, qui le suivait à quelque deux cents mètres. C?était un Hino comme celui qu?il conduisait ; à peine plus récent, à en juger par la forme du tracteur et la dimension de la calandre. Le chauffeur du Hino avait dit qu'il était de la région de Sétif lorsqu?ils s?étaient rencontrés dans le restaurant des routiers à la sortie-sud de Timimoun. Il l?avait trouvé plutôt sympathique malgré son air bourru de montagnard et ils avaient engagé la conversation autour, bien sûr, de la chaleur suffocante et du trajet qui leur restait à parcourir jusqu?à Tam. Quand Sid Ahmed avait dit à son nouvel ami que c?était la première fois qu?il prenait la route du Grand Sud, ce dernier avait eu un air étonné. «On ne confie pas un 20 tonnes à un bleu sur une ligne pareille», s?était-il exclamé. «De mon temps, il fallait faire au moins trois voyages en doublure avec un routier aguerri pour pouvoir prétendre à une telle galère ! Mais, enfin?». Le Sétifien comprenant qu?il se devait d?encourager le jeune chauffeur, s?était alors ressaisi et partant d?un gros rire lui dit : «Ne t?en fais pas, fiston, il faut assumer dès le départ, surtout que tu m?as l?air dégourdi. De plus, nous allons dans la même direction. Tu n?auras qu?à conduire devant, je te suivrais !» Ces paroles dites, les deux hommes burent un café ensemble et ammi Djemaï, c?est le nom du chauffeur sétifien, se laissa aller à prodiguer des conseils à son compagnon de circonstance. Il lui expliqua sentencieusement les rudiments de la route du désert, comment se comporter au volant pour ne pas se laisser distraire par les lignes droites qui caractérisent le paysage et surtout comment se prémunir contre les vents de sable, si fréquents en cette période automnale. Le jeune homme écoutait poliment en évitant de lui dire que tous ces conseils, on les lui avait serinés longtemps avant qu?il ne quitte Alger. Le chauffeur titulaire prévu pour cette mission était tombé malade à la dernière minute et c?est ainsi qu?il s?est vu désigné sur le Hino. Son baptême de la route en quelque sorte ! Il n?était plus seul pour cette mission, en fin de compte, car la providence lui avait adjoint un super chauffeur comme compagnon et cela le soulageait. Avant de remonter dans leurs camions respectifs, ammi Djemaï lui lança sur un ton sérieux : «Tu devras rendre visite avec moi au mausolée de Sidi Moulay Lahcène, une fois arrivés à destination. Tous les routiers le font à chaque fois qu?ils effectuent une mission à Tamanrasset.»