Un récent rapport annonçait que le phénomène a reculé à moins de 6% durant l'année 2005. Un autre estimait, pour la même année, plus de dix millions d'Algériens vivant avec moins d'un dollar par jour. Qui croire ? Jamais un phénomène de société n'a été l'otage de chiffres et aussi différemment apprécié et quantifié comme l'est aujourd'hui celui de la pauvreté. Pour preuve, un récent bilan dressé par le Centre national d'études et d'analyses pour la population et le développement (Cneapd), à la demande du ministère de l'Emploi et de la Solidarité nationale, a révélé que le taux de pauvreté en Algérie a reculé à moins de 6 % après avoir atteint 22 % en 1995. A l'opposé, un rapport de tout autre nature, adressé aux plus hautes autorités du pays a tiré, il n y'a pas si longtemps, la sonnette d'alarme. «Dix millions d'Algériens vivent avec moins d'un dollar par jour», prévenait le rapport élaboré par les services de sécurité. Quelques jours seulement après cette annonce à l'effet boomerang, Djamel Ould Abbas sortait, lui, ses chiffres. «72 302 citoyens exactement vivent en dessous du seuil de pauvreté», martelait-il en insistant au passage sur la sémantique de «nécessiteux» en lieu et place de «pauvres». Outre les chiffres, les différents rapports présentent leur propre argumentation. Pour le Cneapd, les raisons du «recul de la pauvreté» sont essentiellement «la diversification des activités et des projets économiques qui a ouvert de larges perspectives à l'emploi». En d'autres termes, il s'agit du résultat de la politique de soutien à l'emploi préconisée par le département de Ould Abbas, celui-là même qui a commandé l'enquête. A contrario, le rapport des services de sécurité s'alarme de ce que «la pauvreté touche deux fois plus les zones urbaines et plus les femmes chefs de ménage et les personnes sans instruction» et aussi du fait que «depuis la crise pétrolière de 1986 de larges pans de la société ont sombré dans la précarité». La pauvreté étant ce qu'elle est, est devenue, dès lors, le terrain de batailles pour des politiques sociales et des politiques d'emploi diversement orchestrées. Mais le fait est que l'on ne peut mener aucune politique à terme si l'on ne sait pas avec exactitude combien de pauvres nous avons, ou au moins si le phénomène est en régression ou au contraire en recrudescence. Mais avant tout, il y a lieu de définir la complexité et la nature de la pauvreté en Algérie. Autrement dit : établir le profil d'un pauvre, ses besoins et ses espérances. Savoir qui est pauvre et qui ne l'est pas. S'agit-il de quantifier tous les Algériens qui vivent avec un ou deux dollars par jour ou alors d'éplucher les revenus et le niveau de vie des citoyens par rapport aux milliards de dollars qui dorment actuellement dans les caisses de l'Etat ?