Résumé de la 110e partie n Arthur se sent dévisagé, des regards semblent l'accuser d'être le meurtrier de Gabriel. Il prend conscience que tout le monde l'évite. Une situation que, lui aussi, veut fuir... Dans la poche de son imperméable, Arthur mit la paire de chaussettes au fond de laquelle il avait caché trois cents dollars. Il gardait toujours une réserve d'argent à sa disposition, ici et à la maison, en prévision d'un départ précipité. La salle des vestiaires était froide et d'une propreté douteuse. Il n'y avait personne dans les parages. La plupart des employés avaient pris un jour de congé. C'était lui qui s'était porté volontaire pour travailler. Il avait les mains fébriles et sèches ; la rancœur lui mettait les nerfs à vif. Ils n'avaient pas le droit de le traiter de la sorte. Ses yeux inquiets parcoururent la pièce nue. La plupart des fournitures étaient enfermées dans la grande remise, mais il y avait une sorte de placard fourre-tout près des escaliers. Il était rempli de bouteilles et de boîtes de conserve appartenant aux employés chargés du nettoyage et de chiffons à poussière sales. Il pensa à tous ces gens en haut — Mme Harnick qui l'accusait, la fille de M. Thomas qui lui interdisait d'approcher son père, l'infirmière Sheehan. Comment osaient-ils chuchoter dans son dos, l'interroger, le rejeter ! Il trouva un bidon à moitié plein d'essence de térébenthine dans le placard. Il dévissa le bouchon et renversa le bidon sur le côté. Des gouttes de térébenthine s'écoulèrent lentement. Il laissa la porte du placard ouverte. Une douzaine de sacs à ordures étaient entassés à côté, en attendant qu'on les emportât à la décharge. Arthur ne fumait pas, mais lorsque les visiteurs oubliaient des paquets de cigarettes à l'hospice, il les ramenait toujours pour Glory. Il prit une Salem dans sa poche, l'alluma, tira plusieurs bouffées pour s'assurer qu'elle ne s'éteindrait pas, détacha le cordon de l'un des sacs poubelles et jeta la cigarette à l'intérieur. Ce ne serait pas long. La cigarette allait se consumer, puis le sac entier prendrait feu ; les autres suivraient et la térébenthine alimenterait l'incendie. Les chiffons dans le placard provoqueraient une fumée épaisse et, le temps que le personnel s'évertue à sortir les vieillards, l'immeuble serait complètement détruit. On parlerait d'un accident dû à une négligence : une cigarette allumée dans une poubelle, un incendie provoqué par un bidon de térébenthine qui avait coulé d'une étagère — si les enquêteurs parvenaient seulement à rassembler autant d'éléments. Il renoua le sac, sentant ses narines frémir, son corps se raidir tandis qu'il respirait la légère et agréable odeur de brûlé ; puis il se rua dehors et dévala la rue en direction du métro. Installée dans le divan du living-room, Glory lisait quand Arthur rentra chez lui. Elle portait une jolie robe d'intérieur en laine bleue, avec une fermeture éclair qui remontait jusqu'au cou et d'amples manches longues. Le roman qu'elle lisait était un best-seller qui avait coûté quinze dollars quatre-vingt-quinze. Jamais dans toute sa vie Arthur n'avait dépensé plus d'un dollar pour un livre. (à suivre...)