Résumé de la 150e partie n Aziz s'est rendu compte de son malheur et de sa solitude. Sa bien-aimée Aziza n'est plus là pour le protéger du complot tramé par la belle fille. Je répondis : «Ce sera pour demain, si Allah le veut !» Puis je me couchai pour passer la nuit avec elle ; mais toutes les heures elle me posait des questions sur Aziza et me disait : «Ah ! pourquoi ne m'avais-tu averti qu'elle était la fille de ton oncle ?» Alors moi, à mon tour, je lui dis : «A propos, j'ai oublié de te demander la signification de ces paroles : ”Que la mort est douce et préférable à la trahison !”» Mais elle ne me voulut rien dire à ce sujet. Le matin, à la première heure, elle se leva et prit une grande bourse remplie de dinars et me dit : «Allons ! Lève-toi et conduis-moi vers sa tombe. Car je veux également lui bâtir une coupole !» Et je répondis : «J'écoute et j'obéis !» Et je sortis et marchai devant elle ; et elle me suivait en distribuant aux pauvres, tout le long du chemin, des dinars qu'elle puisait dans la bourse, et elle disait chaque fois : «Cette aumône est pour le repos de l'âme d'Aziza !» Et nous arrivâmes de la sorte au tombeau. Alors elle se jeta sur le marbre et y versa d'abondantes larmes. Puis elle sortit d'un sac de soie un ciseau d'acier et un marteau d'or, et grava sur le marbre poli ces vers en caractères charmants : «Une fois je fus le passant qui s'arrêta devant une tombe enfouie au milieu du feuillage avec, pleurant sur elle, sept anémones, la tête inclinée.» Et je dis : «Qui peut bien être dans cette tombe ?» Mais la voix de la terre me répondit : «Homme ! courbe ton front avec respect ! Ici, dans la paix du silence, dort une amoureuse !» Alors je m'écriai : «O toi qu'a tuée l'amour, femme qui dors dans le silence, puisse le Seigneur te faire oublier les tribulations et te placer sur le plus haut sommet du Paradis ! «Infortunés amoureux, vous êtes délaissés jusque dans la mort, puisque nul ne vient essuyer la poussière de vos tombeaux ! «Moi, ici, je veux planter des roses et des fleurs amoureuses et, pour les faire mieux fleurir, je les arroserai de mes larmes.» Ensuite elle se leva et jeta un regard d'adieu à la tombe d'Aziza et reprit avec moi le chemin de son palais. Et elle était devenue très tendre soudain ; et à plusieurs reprises elle me dit : «Par Allah ! ne me délaisse jamais !» Et moi je me hâtai de répondre par l'ouïe et l'obéissance. Et je continuai à me rendre régulièrement chez elle toutes les nuits ; et elle me recevait toujours avec beaucoup d'expansion et de chaleur et n'épargnait rien pour me faire plaisir. Et je ne cessai d'être ainsi, à manger, à boire, à embrasser, à vêtir tous les jours des robes plus belles les unes que les autres et des chemises plus fines les unes que les autres, jusqu'à ce que je fusse devenu extrêmement gras et à la limite dernière de l'embonpoint ; et je ne sentais plus ni peines ni soucis ; et j'oubliai complètement jusqu'au souvenir de la pauvre fille de mon oncle. Et je restai dans cet état de délices la longueur entière d'une année. Or, un jour, au commencement de la nouvelle année, j'étais allé au hammam et j'avais revêtu ma robe la plus somptueuse ; et, en sortant du hammam, j'avais bu une coupe de sorbet et humé avec volupté les odeurs fines qui se dégageaient de ma robe imprégnée de parfums ; et je me sentais encore plus épanoui que d'habitude et je voyais toute chose en blanc autour de moi ; et le goût de la vie m'était délicieux à l'extrême, et tellement que j'en étais dans un état d'ivresse qui m'allégeait de mon propre poids et me faisait courir comme un homme pris de vin. Et c'est dans cet état que le désir me vint d'aller répandre l'âme de mon âme dans le sein de mon amie. (à suivre...)