Résumé de la 147e partie n Aziz est tout confus d'avoir oublié de réciter à sa bien-aimée la strophe que lui a apprise sa cousine. Celle-ci la lui rappela encore, lui recommandant de ne pas l'oublier ce soir. En arrivant au jardin, j'entrai dans la salle où je trouvai mon amoureuse dans l'attente de ma venue ; et aussitôt elle m'embrassa et me fit étendre auprès d'elle ; puis après avoir mangé et bu, il est inutile de donner le détail de ce qui arriva. Au matin, moi je n'oubliai pas, cette fois, de lui réciter la strophe d'Aziza : «O vous tous, les amoureux ! Par Allah ! Dites-moi, si l'amour sans répit habitait le cœur de sa victime, où serait la délivrance ?» Je ne saurais te dire, seigneur, l'effet que ce vers produisit sur mon amie ; son émotion fut si forte que son cœur, qu'elle disait si dur, fondit dans sa poitrine ; et elle pleura abondamment et improvisa cette strophe : «Honneur à la rivale à l'âme magnanime ! Elle sait tous les secrets et les garde en silence. Elle souffre du partage et se tait sans murmure. Elle connaît la valeur admirable de la patience !» Alors moi je retins soigneusement cette strophe pour la répéter à Aziza. Et, quand je fus de retour à la maison, je trouvai Aziza étendue sur les matelas, et ma mère, qui la soignait, était assise à côté d'elle. Et la pauvre Aziza avait sur son visage une très grande pâleur ; et elle était si faible qu'elle avait l'air d'être évanouie ; et elle leva douloureusement les yeux vers moi, sans pouvoir faire un mouvement. Alors ma mère me regarda avec sévérité, en hochant la tête, et me dit : «Quelle honte sur toi, ô Aziz ! Est-ce ainsi qu'on délaisse sa fiancée ?» Mais Aziza prit la main de ma mère et la baisa, et l'interrompit pour me dire, d'une voix à peine distincte : «O fils de mon oncle, as-tu oublié ma recommandation ?» Alors moi je lui dis : «Sois tranquille, ô Aziza ! Je lui ai récité la strophe, qui l'a émue à la limite de l'émotion, et tellement qu'elle me récita cette strophe-ci.» Et je lui répétai les vers en question. Et Aziza, en les entendant, pleura silencieusement et murmura ces paroles du poète : «Celui qui ne sait taire le secret ni pratiquer la patience dans l'épreuve n'a plus qu'à souhaiter la mort comme partage. «Pourtant ! ma vie entière s'écoula dans le renoncement. Et je meurs sevrée des paroles de l'ami ! Ah ! quand je mourrai, faites parvenir mon salut à celle qui fut le malheur de ma vie !» Puis elle ajouta : «O fils de mon oncle, je te prie, lorsque tu reverras ton amoureuse, redis-lui ces deux strophes ! Et que la vie te soit douce et facile, ô Aziz !» Or, moi, lorsque vint la nuit, je retournai au jardin, selon mon habitude, et je trouvai mon amie qui m'attendait dans la salle ; et nous nous assîmes tous deux, côte à côte, à manger, à boire et à nous amuser de toutes façons, pour ensuite nous coucher, enlacés, jusqu'au jour. Alors je me rappelai ma promesse à Aziza, et je récitai à mon amie les deux strophes apprises. Or, à peine les eut-elle entendues, que soudain elle poussa un grand cri et recula épouvantée et s'écria : «Par Allah ! La personne qui a dit ces vers doit être sûrement morte à l'heure qu'il est !» Puis elle ajouta : «J'espère pour toi que cette personne n'est point une parente à toi, ni une sœur ni une cousine ! Car sûrement, je te le répète, cette personne est maintenant du nombre des morts !» Alors je lui dis : «C'est ma fiancée, la fille même de mon oncle !» (à suivre...)