Trace Juste à l?entrée du hameau, le camion criblé de balles est toujours là, témoin de la tragédie. A l?intérieur du véhicule, les débris de verre des vitres et du pare-brise jonchent les banquettes et le plancher poussiéreux. Sur le sol, des taches de sang, sûrement celles du défunt qui a dû tenter un geste ultime de survie avant de s?éteindre à jamais. Les habitants nous encerclent, ils parlent tous en même temps, furieux et enragés, rien ne semble les apaiser. «Les autorités ont menti. Ce n?est pas une embuscade tendue à un groupe terroriste, comme elles le prétendent, puisque nous sommes tous des patriotes armés depuis 1994. C?est un règlement de comptes, car nous avons empêché les pilleurs de sable d?emprunter les sentiers de notre bourgade.» Ils expliquent qu?ils ont mis sur cette voie, il y a 9 mois, un énorme pilier de béton, pour bloquer la route aux trafiquants, qui préféraient emprunter la voie du douar de Drâa Ezman, afin d?éviter le barrage de la gendarmerie implanté à 100 m à la sortie du village. Le cousin et un voisin de la victime insistent : «Ne dites que la vérité, ne manipulez pas l?information. Regardez, on lui a tiré dessus plus de 300 balles et de face. Il a été pris au piège. Ce n?est pas un accident, mais un crime commis de sang-froid.» «Ces CRS de Boudouaou surveillent les pilleurs de sable pour leur servir d?escorte, contre des pots-de-vin, 2000 DA par camion. Nous les connaissons et ils nous connaissent. Mon neveu criait de toutes ses forces qu?il était un citoyen, un Ould Amri, mais ils ne l?on pas écouté, ils lui ont tiré dessus à bout portant.» D?autres jeunes se joignent à la foule. La colère, la tristesse et la misère se lisent sur leur visage : «Ils étaient drogués et soûls. Nous avons retrouvé sur les lieux les mégots de joints qu?ils fumaient cette nuit.» «Notre fils est mort, ce n?était ni un pilleur de sable ni un voyou. C?était un Algérien simple et honnête qui a été tué sans scrupules. Il faut que les responsables le sachent, la benne du camion est vide ! Regardez-vous-même», crie rageusement un jeune. Selon les habitants, les policiers, plus d?une dizaine, étaient venus dans deux Nissan. Depuis le drame, personne n?ose se rendre au travail. Les autres transporteurs comme Abdelkader refusent de s?aventurer la nuit, ils disent appréhender une autre «attaque». «Nous demandons d?être secourus et protégés.».