Il y a cinquante ans mourait à Berlin-Est Bertolt Brecht, écrivain dont la dictature communiste de RDA avait fait une figure de proue et dans lequel, aujourd'hui, alors que certains lui reprochent son alignement excessif sur le stalinisme, d'autres voient en lui l'ancêtre des altermondialistes. La défense des faibles contre le capitalisme triomphant, la révolte qui traverse ses œuvres contre l'époque noire de guerre, de corruption et de dictature, qu'il a amplement vécue en tant qu'Allemand, sont loin d'être démodées, assure Claus Peymann, directeur du Berliner Ensemble, théâtre fondé par l'auteur. «Le Brecht politique a un grand avenir devant lui», dit-il, voyant en lui le «poète de l'antimondialisation». Ce qui explique, contrairement aux classiques Goethe ou Schiller, que les pièces de Brecht ont du succès hors de l'Europe, du Brésil à l'Afrique du Sud. Mal aimé par le monde littéraire de l'après-guerre en RFA, dominé alors par la figure antithétique et élitiste de Thomas Mann, le dramaturge voit l'importance de son œuvre reconnue dans les deux parties de l'Allemagne et il fait l'objet d'une vénération d'une partie de la gauche européenne. Des fêtes à Augsbourg (sud, Bavière), son lieu de naissance en 1898, et à Berlin doivent rendre hommage à celui qui a fondé en 1949 la troupe du Berliner Ensemble avec sa femme, la comédienne d'origine autrichienne Helene Weigel, et qui passe pour un théoricien du renouveau du théâtre allemand : un théâtre engagé, amenant le spectateur, par la raison critique, à se distancer du scénario, grâce aussi à des chansons ou des allégories, ou en faisant sortir les acteurs de leur rôle. A 58 ans, le 14 août 1956, Brecht mourait à Berlin-Est. S'il n'a jamais été membre du Parti communiste, il a reçu plusieurs décorations de RDA, avait adressé un message d'allégeance aux dirigeants communistes en 1953 lors de la révolte ouvrière et le Prix Staline à Moscou en 1954.