Retrouvailles n S'il est vrai qu'il est difficile de quitter son pays de naissance, y retourner après des années d'absence est encore plus dur, car très émouvant. Geneviève Buono est née en Algérie en 1949. Son père Christian, alors membre du Parti communiste algérien, était directeur d'école et militant de la cause algérienne durant la Guerre de libération, sa mère était également directrice d'école. «Mes parents étaient engagés. Cela a marqué mon enfance. J'étais enfant durant la Guerre d'Algérie, mais je garde des souvenirs vivaces qui m'accompagneront certainement jusqu'à mon dernier souffle. Mes parents m'ont appris le sens des valeurs.» En évoquant cette période de sa vie, Geneviève n'a pas pu contenir ses larmes. Elle se souvient de ce village de Kabylie, où elle avait passé son enfance et où son père était directeur d'école «Mes parents ont été exclus du village de Makouda en 1955, parce que mon père avait signé l'Appel des 100 intellectuels dénonçant le colonialisme», se remémore Geneviève. Quittant Makouda, la famille Buono prend la direction de La Montagne à Alger. Ses parents y ont pris la direction d'une autre école. Pour sa première visite depuis 40 ans à Alger, un pèlerinage s'imposait. «J'ai rendu visite à cette école. J'ai vu le bâtiment où logeaient les enseignants. Une enseignante m'a tout de suite reconnue. Elle m'a prise dans ses bras. C'est ma mère qui l'a aidée à être institutrice, elle était son élève». A Alger, entre 1957 et 1966, Geneviève avait passé des moments de joie, mais aussi de peine. Son père était en prison pour ses positions anticolonialistes. Elle se souvient de son oncle Maurice Audin. «Il était jeune, intelligent, adorable. Il habitait la Pointe Pescade, dans une maison près de la mer. Il me montrait un logarithme que je ne connaissais pas.» Audin a été arrêté et tué en juin 1957 par les parachutistes français. Geneviève se rappelle que, toute petite, elle avait observé une grève de la faim en solidarité avec les 5 responsables du FLN détenus. A l'indépendance, les Buono ont choisi de rester en Algérie. Ils ont continué à diriger l'école de La Montagne. L'école a été baptisée Tarek-Ibn-Ziad grâce au père de Geneviève. À l'époque, se souvient Geneviève, son père avait adressé une lettre au président Ahmed Ben Bella en ce sens. Trois jours après, le président Ben Bella donnait son accord… 1966, Geneviève quitte l'Algérie à l'âge de 17 ans. «Mes parents, tous les deux militants du Parti communiste, ont voulu continuer à militer. C'est une des raisons qui les a poussés à quitter l'Algérie», nous a déclaré Geneviève. L'autre raison : l'enseignement en langue arabe. «Mais, je connais un peu cette langue», affirme-t-elle. Le départ a été une déchirure et l'adaptation en France difficile. Aujourd'hui encore Geneviève se dit tiraillée entre deux mondes, deux cultures, deux pays. Car l'Algérie, elle la porte toujours dans son cœur. «J'aime ce pays, car je l'ai vu naître. Depuis que je suis là, J'ai retrouvé Ghalia et Fatiha mes deux amies d'enfance. Des copines avec lesquelles je m'amusais.» Quant aux raisons l'ayant empêchée de revenir bien avant en Algérie, Geneviève a déclaré : «Je n'ai pas voulu revenir en Algérie en touriste. L'Algérie c'est mon pays.» Partout où elle s'est rendue, au centre et à l'est du pays, Geneviève dit avoir été bien accueillie avec cette chaleur et cette spontanéité qui manquent tant en France. Tout comme son oncle Maurice, Geneviève est enseignante de mathématiques en France. «Parmi mes élèves, il y en a beaucoup d'origine algérienne. Je leur parle souvent de cette Algérie dont ils ne connaissent pas grand-chose finalement». Elle milite également dans l'association Agir contre le colonialisme aujourd'hui. «Mon souhait, dit-elle, est que cette association ait des relais en Algérie.»