Recit n Le soir venu, Schahrazade reprit son récit. Elle dit : Il m'est parvenu, ô Roi fortuné, que le grand vizir Dandân, qui racontait toute l'histoire au roi Daoul'makân pendant le siège de Constantinia, ayant fini l'aventure du jeune Aziz, continua ainsi la suite de cette histoire, où Aziz ne cesse d'être intimement mêlé à toutes les choses merveilleuses que nous allons voir. Lorsque le prince Diadème eut entendu cette histoire admirable et qu'il eut appris combien la princesse Donia, si mystérieuse, était désirable et combien elle avait en elle de qualités de beauté et était experte dans l'art du dessin sur soie et des broderies, il fut pris, à l'heure même, d'une passion qui fit travailler son cœur énormément. Et il résolut de tout faire pour parvenir jusqu'à elle. Il emmena donc avec lui le jeune Aziz, dont il ne voulait plus se séparer, remonta sur son cheval et reprit le chemin de la ville de son père, le roi Soleïmân-Schah, maître de la Ville-Verte et des montagnes d'Ispahân. La première chose qu'il fit fut de mettre à la disposition de son ami Aziz une très belle maison où rien ne manquait. Et lorsqu'il se fut assuré de la sorte qu'Aziz avait tout ce qui pouvait lui convenir, il retourna au palais du roi son père, et courut s'enfermer dans son appartement en refusant de voir qui que ce fût et en pleurant passionnément. Car les choses que l'on entend font autant d'impression que celles que l'on voit ou que l'on sent. Lorsque le roi Soleïmân-Schah, son père, le vit dans cet état de changement de teint, il comprit que Diadème avait du chagrin dans l'âme et des soucis. Il lui demanda donc : «Qu'as-tu, ô mon enfant, pour changer ainsi de teint et être si affligé ?» Alors le prince Diadème lui raconta qu'il était amoureux de Sett-Donia, passionnément amoureux d'elle sans l'avoir jamais vue, rien qu'en entendant Aziz lui dépeindre sa démarche gracieuse, ses yeux, ses perfections et son art merveilleux dans le dessin des fleurs et des animaux. A cette nouvelle, le roi Soleïmân-Schah fut à la limite de la perplexité et dit à son fils : «Mon enfant, ces îles du Camphre et du Cristal sont un pays bien éloigné du nôtre ; et quoique Sett-Donia soit une princesse merveilleuse, ici, dans notre ville et dans le palais de ta mère, nous ne manquons pas de filles magnifiques et de belles esclaves de toute la terre. Entre donc dans l'appartement des femmes, ô mon enfant, et choisis toutes celles qui t'agréeront parmi les cinq cents esclaves belles comme des lunes. Et si, malgré tout ce choix, aucune de ces femmes n'arrivait à te plaire, je prendrais pour toi, comme épouse, une fille d'entre les filles des rois des pays voisins ; et je te promets qu'elle sera bien plus belle et plus ingénieuse que Sett-Donia elle-même !» Il répondit : «Mon père, je ne souhaite avoir comme épouse que la princesse Donia, celle-là même qui sait si bien peindre des gazelles sur les brocarts. Il me la faut absolument ; sinon je fuirai mon pays, mes amis et ma maison et je me tuerai à cause d'elle !» Alors son père vit qu'il était nuisible de le contrarier et lui dit : «Alors, mon fils, prends un peu patience, que j'aie le temps d'envoyer une députation au roi des îles du Camphre et du Cristal pour lui demander régulièrement, et selon le cérémonial que j'employai anciennement pour moi-même quand je me mariai avec ta mère, de te donner sa fille en mariage. Et s'il refuse, j'ébranlerai sous lui la terre et ferai tomber en ruines sur sa tête son royaume tout entier, après avoir dévasté ses contrées avec une armée si nombreuse qu'en se déployant elle atteindrait les îles du Camphre par son avant-garde, tandis que l'arrière-garde serait encore derrière les montagnes d'Ispahân, frontières de mon empire!» (à suivre...)