Résumé de la 6e partie n Le rite d'Anzar pour provoquer la pluie est répandu dans tout le Maghreb. Il est le fait exclusif des femmes et des enfants. Dans certaines régions, la fiancée de la pluie est battue par les enfants avec des branches d'ortie : «Pleure, pleure», crient-ils. L'objectif, en effet, est de la faire pleurer pour que le ciel s'attendrisse et accorde la pluie. Les chants d'Anzar se ressemblent d'une région à une autre. Partout, on supplie la pluie personnifiée, de venir : «Anéar ! Anéar ! O pluie, brise le cycle de la sécheresse Que le blé mûrisse dans la montagne Ainsi que dans la plaine…» La pluie, disent ceux qui ont assisté à ces rites, ne manque pas de tomber ! Ailleurs, comme c'était le cas à La Casbah d'Alger et comme c'est le cas dans d'autres régions, le rite s'appelle Aghondja (nom berbère de la louche et de la cuiller à pot) : la louche est habillée en fiancée et on la promène dans les rues, en suppliant la pluie de tomber. Les passants sortent au passage du convoi et l'aspergent d'eau ; on quête également de la nourriture avec laquelle on prépare un repas que l'on partage entre participants. Signalons que le nom d'Aghondja, comme le rite, sont communs aux arabophones et aux berbérophones. Les chants, comme ceux d'Anzar, invoquent la pluie : «Ô Aghondja, apporte-nous la pluie Que l'eau coule et qu'elle arrose la terre !» Comme Anzar, Aghondja est ici une sorte de personnage surnaturel, génie ou autre, capable de faire tomber la pluie. Les personnages d'Anzar et d'Aghondja se rencontrent surtout en Algérie et au Maroc. En Tunisie, c'est un autre nom qui est évoqué, umm Bango, ou la mère Bango, une poupée fabriquée avec deux bâtons en croix revêtus de vêtements féminins. Comme pour Aghondja et Anzar, la poupée, portée par une femme, est suivie par un cortège de femmes et d'enfants. La procession va de sanctuaire en sanctuaire, implorant la mère Bango. Les gens aspergent d'eau les participants. A la fin de la cérémonie, les enfants se retournent contre la femme qui conduisait la procession, l'insultent et lui lancent des pierres. On la bat aussi jusqu'à ce qu'elle pleure. Les larmes, dit-on, sont l'annonce de la pluie. On a vu dans la mère Bango une ancienne déesse berbère. Ce nom, réalisé également tango et tangi, est peut-être en relation avec le verbe ngi, qui signifie «s'écouler», encore attesté dans de nombreux dialectes berbères. Signalons pour finir un dernier rite de la pluie : la prière. Elle est différente de salat al-istisqa', il s'agit de la prière musulmane, en deux rakaâte, mais faite en direction de l'ouest au lieu de l'est, la qibla, avec les burnous à l'envers. Le symbolisme est clair : bouleverser l'ordre naturel des choses pour faire tomber la pluie.