Images n L'entrée est cadenassée, des poubelles s'amoncellent dans le passage : le «Firdous», jadis un cinéma très fréquenté est, comme beaucoup de salles obscures de Bagdad, fermé depuis des mois. Insécurité, coupures de courant, problèmes d'argent, couvre-feu nocturne, mais aussi intégrisme religieux ont contribué à rendre les salles désertes : moins d'une demi-douzaine de cinémas sont encore en activité dans la capitale qui en comptait une quarantaine avant l'invasion américaine en 2003. «Le cinéma, c'est un divertissement. Si les gens n'ont pas le moral, ils ne vont pas au cinéma», affirme Saâd Hachim, directeur du cinéma «l'Atlas», qui souligne que dans le sud chiite, toutes les salles sont fermées. «En ce moment, les gens se tournent plus vers la religion que vers le divertissement», poursuit-il. Malgré tout, l'«Atlas» continue d'offrir des films à un maigre public. Il ne diffuse plus que de vieilles productions : «Simplement pour continuer à travailler. C'est le signe que nous sommes encore en vie», déclare Saâd Hachim, qui précise que la chute de l'affluence lui interdit d'acheter des films neufs ou récents. Il doit se contenter de bobines de films des années 1980 et 1990, une sorte d'âge d'or du cinéma irakien. Et s'il y a une longue file d'attente devant son cinéma, c'est qu'elle est destinée à la station service voisine. «Si je n'avais pas six heures de queue à faire pour remplir le réservoir de ma voiture, oui j'irais avec plaisir au cinéma», confie Sadik al-Machhadani, un ingénieur qui regarde avec nostalgie une affiche d'un film américain des années 1990. «Avant, ce cinéma était un lieu de vie, il y avait du monde», se souvient-il. Un peu plus loin, le cinéma Babel est laissé à l'abandon. Salem Hassan, un vieillard qui tient une boutique devant le cinéma, se lamente en montrant la poussière qui s'accumule autour de la billetterie : «Ce n'est plus un cinéma, c'est une maison hantée». «Beaucoup de gens sont partis à l'étranger. Il y a des problèmes de sécurité», affirme Nabil Abdul-Hamid, le projectionniste de l'«Atlas». «Mais, il faudrait aussi moderniser les salles», ajoute-t-il, en précisant par exemple que les systèmes d'air conditionné sont souvent peu efficaces, dans une ville où il fait plus de 45 degrés en journée, alors que les projections ne peuvent avoir lieu en soirée, en raison du couvre-feu pour les véhicules, qui commence à 21h 00. Les cinémas irakiens disparaissent ainsi peu à peu. Pire encore, le passé du cinéma est aussi en train de disparaître en Irak. Le Théâtre national, ou étaient archivés les films produits en Irak, a ainsi été pillé en 2003. Douze films ont disparu et les autres sont en très mauvais état, en raison de l'incendie provoqué par les pillards, selon Kassim Mohammed, 53 ans, le directeur du département cinéma du ministère de la Culture. La réalisatrice Sana Ali Abbas, 61 ans, auteur d'une vingtaine de documentaires, se veut néanmoins optimiste quant à l'avenir du cinéma dans le pays : «De l'obscurité jaillit toujours la lumière».