Polémique n Cinq années après les attentats du World Trade Center, le débat est toujours d'actualité entre la volonté de protéger le pays de la menace terroriste et la nécessité de préserver l'idéal de liberté qu'il entend représenter. Le débat est né principalement avec les premières images des prisonniers en combinaison orange, parqués sur la base américaine de Guantanamo (Cuba). Des centaines d'hommes sont toujours détenus sans procès, les plus chanceux à Guantanamo, les autres dans des prisons secrètes de la CIA. Sur le sol américain, le gouvernement espionne une grande partie des transactions bancaires internationales, et la rigidité des services d'immigration frappe un secteur touristique déjà en difficulté. «C'est un défilé des horreurs», commente Lisa Graves, responsable de la politique législative à l'Aclu, puissante association américaine de défense des libertés civiques, à l'origine, avec d'autres mouvements, d'une offensive tous azimuts devant les tribunaux américains. Grâce à ces associations, les juges ont récemment infligé de sérieux revers à la manière dont l'administration Bush mène sa «guerre contre le terrorisme». En juin, la Cour suprême a estimé que le président Bush avait outrepassé ses fonctions en établissant des tribunaux militaires d'exception pour juger les «combattants ennemis». Dans une enquête publiée il y a quelques semaines, le Washington Post reproche à la lutte contre le terrorisme d'être devenue si vaste et complexe qu'il est difficile de savoir en quoi cela a rendu les Etats-Unis plus sûrs. Ces derniers ont dépensé des milliards de dollars depuis le 11 septembre pour renforcer la sécurité dans les aéroports, ports et autres installations sensibles, sans que le sentiment de vulnérabilité ait vraiment diminué. Les aéroports américains se sont dotés d'équipements dernier cri pour détecter les objets dangereux et l'administration, chargée de la sécurité dans les transports (TSA), a embauché en grand nombre. Les installations chimiques et les sites nucléaires font également l'objet des préoccupations des experts et parlementaires. Quant au renseignement américain, il se remet péniblement de l'échec du 11 septembre. S'agissant de la politique internationale des USA, au lendemain du 11 septembre, le monde s'était rangé derrière eux pour combattre le terrorisme, mais, cinq ans plus tard, cette unanimité a disparu et la politique étrangère américaine est à la peine sur quasiment tous les fronts. «Cinq ans après les attentats du 11 septembre, la diplomatie américaine a réussi à isoler non pas les terroristes, mais les Etats-Unis», estime James Dobbins, un ancien responsable à la Maison-Blanche. Zbigniew Brzezinski, conseiller pour la sécurité nationale du président Jimmy Carter entre 1977 et 1981, pense que «la guerre contre le terrorisme, l'islamophobie hystérique, l'exagération de la menace terroriste, l'Irak déclaré comme le front central de la lutte contre le terrorisme et l'abandon du rôle de médiateur des Etats-Unis au Moyen-Orient ont porté tort aux intérêts américains». Le résultat a été non seulement l'instabilité et les violences en Irak, mais aussi la radicalisation des groupes islamiques et la montée en puissance de l'Iran. l Selon une enquête d'opinion du New York Times et la chaîne CBS, entre l'immédiat après 11 septembre et aujourd'hui, la cote de popularité de M. Bush est passée de près de 90% (un record depuis Franklin D. Roosevelt (1933-1945)), à moins de 40%. L'étude révèle, par ailleurs, que 53% des Américains pensent que faire la guerre en Irak était une erreur, et 51% ne voient pas le rapport entre cette guerre et celle contre le terrorisme.