Il était une fois, un paysan qui avait un bon chien. Mais le chien devint vieux. Il ne pouvait plus aboyer ni assurer la garde de la cour et des granges. Le paysan ne voulait plus nourrir cette bouche inutile. Il le chassa de la ferme. Le chien s'enfuit dans la forêt et se coucha sous un arbre pour mourir. Soudain, arriva un ours, qui lui demanda : ? Mais pourquoi es-tu donc couché ici, chien ? ? Je meurs de faim ! Tu vois la justice des hommes d'aujourd'hui. Tant que tu as de la force, ils te nourrissent et ils te donnent à boire, mais quand la vieillesse te retire tes forces, ils te mettent tout simplement à la porte. ? Chien, alors tu veux manger ? ? Et comment ! ? Allez, viens avec moi, je vais te gâter. Et ils partirent ensemble. Chemin faisant, ils croisèrent un cheval. ? Regarde-moi bien, dit l'ours au chien, en grattant la terre avec sa patte. ? Chien, chien ! ? Mais quoi ? ? Regarde mes yeux. Ne sont-ils pas rouges de colère ? ? Oui, ils sont rouges, ours. L'ours continuait à gratter la terre pour faire monter sa colère. ? Chien, chien ! Et ma fourrure n'est-elle pas hérissée de colère ? ? Bien sûr qu'elle est hérissée, ours ! ? Chien, chien ! Et ma queue ne se dresse-t-elle pas de colère ? ? Mais si, elle se dresse ! Alors chargé de colère, I'ours bondit sur le cheval, s'agrippa à son flanc et le fit tomber à terre. Puis, il le lacéra de ses griffes et dit : ? Voilà chien, maintenant tu as de quoi manger autant que tu veux. Quand tu n'auras plus rien, viens me voir. Le chien reprit goût à la vie, et n'avait aucun regret. Quand il eut tout mangé et que la faim le reprit, il se précipita chez l'ours. ? Eh bien, mon frère, tu as tout mangé ? ? Oui, et la faim est revenue. ? Pourquoi jeûner ? Sais-tu où vos femmes vont cueillir les légumes ? ? Bien sûr, je le sais ! ? Alors, allons-y ! Je m'approcherai délicatement de ta maîtresse, et je lui subtiliserai son enfant dans le berceau. Toi, tu courras à mes trousses, et tu me le reprendras. Après cela, tu le rapporteras à sa mère et tu verras ; elle te redonnera ta pâtée comme avant. C'était d'accord. L'ours accourut, s'approcha à pas de velours, et vola l'enfant dans son berceau. L'enfant hurlait, les nourrices se lancèrent à sa poursuite, mais en vain. Elles rebroussèrent finalement chemin. La mère pleurait, les femmes étaient torturées de tristesse. Venant d'on ne sait où, le chien se mit à l'ouvrage, il poursuivit l'ours, reprit l'enfant et le rapporta. ? Regardez, dirent les femmes, ce vieux chien rapporte l'enfant ! On court à sa rencontre. La mère était folle de joie. ? Désormais, dit-elle, pour rien au monde je ne me séparerai de ce chien ! Elle l'amena à la maison, lui versa du lait, lui coupa du pain et le lui donna : ? Allez, mange ! Et elle dit à son mari : ? Eh bien, non, mon époux ! Tu n'aurais jamais dû chasser notre chien. Il faut le garder et le nourrir. Il a sauvé notre enfant des griffes de l'ours. Et dire que tu disais qu'il n'avait plus de force ! Le chien se rétablit et prit même quelque embonpoint. «Que Dieu protège l'ours, se disait-il, lui qui m'a sauvé de la faim.» Et l'ours devint son meilleur ami. Un jour, le paysan organisa une fête chez lui. Profitant de cette occasion, I'ours rendit visite au chien. ? Salut chien ! Comment vas-tu ? Est-ce que tu es bien nourri ? (à suivre...)