Résumé de la 2e partie n Miss Sabrina a les yeux ouverts. Alors qu'il s'apprête à fermer le cercueil, le croque-mort a une hésitation… L'habit noir s'approche à nouveau, le tournevis à la main, et demeure une seconde en arrêt. Il n'ose... le dire, mais il le pense fortement : «Par saint Charles quelle étrange défunte, elle a des paupières à ressort !» C'est qu'il a cru, vraiment, que les yeux grands ouverts le fixaient à nouveau. Va-t-il retarder la cérémonie pour un détail ? Il se souvient de défunts réfractaires, dont les mains refusaient de se joindre pour l'éternité, d'autres que l'on ne pouvait empêcher de sourire en montrant les dents... et il se souvient également que s'il n'active pas la cérémonie, il sera en retard pour le déjeuner. En regardant ailleurs, il ordonne à ses assistants de présenter le couvercle. Mais ce cher Soames a remarqué son hésitation. Que diable, tout ne serait-il pas convenable ? Il importe que Sabrina soit inhumée décemment, que pas un détail ne vienne troubler la sérénité de ce visage. Il lève un gant s'approche, regarde, et quelques secondes plus tard appelle le médecin de famille, présent aux obsèques. «Venez voir... mais venez voir...» Enfin, se dit intérieurement Sabrina. Enfin... ce médecin stupide a enfin constaté que ses pupilles bougeaient faiblement. Mais qu'elles bougeaient. Le diable l'emporte... C'est ainsi que quelques semaines après sa mort annoncée et quasiment entérinée dans un cercueil d'érable à six pieds sous terre, Miss Sabrina se porte comme un charme. Elle est sortie de sa léthargie depuis longtemps, a remisé l'affreuse robe de satin parme dans un placard et se sent, à quarante-cinq ans, plus séduisante que jamais. Le notaire qu'elle a convoqué lui en fait force compliments. «Quelle mine superbe, ma chère... — Maître, j'ai rédigé mon testament...» Miss Sabrina a devant elle, posée sur son secrétaire, une liasse de feuillets couverts d'une écriture serrée. «Votre testament ? Alors que vous revenez à la vie plus jeune que jamais ? — Vous en prendrez connaissance, il comporte plusieurs dispositions qui vous paraîtront sans doute étranges, mais je tiens expressément à ce qu'il en soit tenu compte... — A votre gré, chère amie...» Et le notaire lit. Et relit, car la stupeur lui brouille les yeux, et il doit frotter son monocle à plusieurs reprises, pour être sûr de ce qu'il lit. Il est dit qu'en cette année de grâce 1868, Miss Sabrina, soussignée, désire être allongée après sa mort dans un cercueil sans couvercle. A ses vêtements, qui devront être confortables, on aura soin d'accrocher des grelots, et l'on prendra soin également de disposer, à côté de sa main, une grosse cloche de cuivre telle qu'en ont au cou les vaches du Sussex. Et à son cou à elle, une chaînette pourvue d'un sifflet. Le caveau, qui ne sera pas familial, mais construit pour elle, ne sera pas fermé, il comportera au plafond une ouverture suffisant à une bonne aération du lieu. Si elle émerge à nouveau d'une léthargie, elle sifflera six fois par minute. Ce signal est le SOS des alpinistes. Un domestique sera chargé de la surveiller, moyennant un salaire confortable et ce, durant une année. Il lui apportera chaque jour de la nourriture et l'observera soigneusement afin de constater si elle présente ou non les signes visibles d'un retour à la vie. (à suivre...)