Homme passionné, connaissant le métier de gardien de but sur le bout des doigts, Mohamed Abrouk, appelé aussi «l?araignée noire» pour son habit sombre à la Lev Yachine, son idole de l?époque, revient sur la belle époque des portiers en Algérie et donne quelques conseils subtils à ceux qui veulent embrasser une carrière à ce poste. InfoSoir : Comment êtes-vous venu au poste de gardien de but ? Mohamed Abrouk : Au début des années 1960, je jouais ailier droit au RUA, alors qu?en même temps j?étais un bon gardien de but au quartier. Avec la naissance du CRB en 1962, les dirigeants m?ont contacté car ils avaient besoin d?un gardien en cadet. C?est à partir de là que ma carrière a pris son envol. De 1963 à 1977, je n?ai jamais quitté le Chabab. Puis, de 1977 à 1979, j?ai évolué à l?US Santé avant d?arrêter ma carrière. J?ai été champion d?Alger cadet en 1963, puis champion d?Alger juniors en 1964/65 et, en même temps, sélectionné en équipe nationale juniors. Lors de la saison 1965/66 j?ai joué à 18 reprises parmi les seniors alors que j?étais toujours junior. Ma première sélection était contre la Libye en 1966/67. Quant à mon palmarès : 4 fois champion d?Algérie, deux fois vainqueur de la Coupe, deux fois champion du Maghreb des clubs, finaliste de la Coupe du monde militaire en Grèce et 40 sélections en EN. Comment s?entraînait Abrouk à l?époque et quelles étaient ses qualités ? A l?époque, comme vous dites, on s?entraînait avec les moyens du bord car il n?y avait pas d?entraîneurs de gardiens de but. Donc, il n?y avait pas de travail spécifique. Ce n?est qu?en 1964/1965 avec la venue d?Ahmed Arab, qui était aussi un ancien gardien du Widad de Belcourt, que j?ai eu une prise en charge réelle. En sélection, j?ai eu Hadj Ibrir qui dirigeait les stages. Il faut dire que je suis peut-être un chanceux pour avoir eu trois gardiens de but entraîneurs : Arab, Ibrir et le Hongrois Sostarik. Concernant mes qualités, disons qu?on me surnommait le roi des penalties car j?en arrêtais beaucoup à l?époque. J?avais un dégagement bien précis, une bonne détente. Mais j?étais surtout courageux et volontaire. Comment analysez-vous l?évolution du gardien dans le temps ? Avant, les gardiens duraient dans le temps et dans leur club. Il y avait, à mon avis, deux sortes de gardiens : ceux des clubs et ceux de l?EN. Cela veut dire qu?on pouvait être un bon gardien dans son club et non en sélection. La différence entre les deux était un tout, mais elle se situait surtout au niveau de l?intelligence. Par ailleurs, toutes les lois du football introduites au fur et à mesure sont bonnes car elles forcent le gardien à travailler beaucoup plus, pour progresser, jouer vite et bien, mais surtout jouer avec les pieds. Le gardien actuel a beaucoup gagné en vitesse d?exécution et en vision périphérique. Pourquoi n?a-t-on pas de gardiens d?exception comme avant ? Cette situation est due à plusieurs raisons. D?abord, le gardien algérien n?a pas échappé à la baisse et à la régression de notre football en général. Le volume de travail et les corrections nécessaires ne se font plus de manière rigoureuse. Le travail psychologique est quelque peu délaissé ou mal dispensé. Aujourd?hui, il y a la vidéo et tous les moyens nécessaires pour travailler, et quand on est international, on doit bosser d?arrache-pied pour être au top et constant. Quels sont vos conseils pour produire de grands gardiens ? La présence d?un entraîneur pour gardiens de but est indispensable, surtout au niveau des jeunes et du travail à long terme. C?est à ces entraîneurs expérimentés et pédagogues qu?incombe la responsabilité de former l?élite des gardiens au niveau national. Par ailleurs, un gardien doit avoir plusieurs qualités : la volonté, le sens du sacrifice, le respect, la patience. Le travail et l?humilité sont, en revanche, les vertus d?un grand gardien.