«Je souhaite que les jeunes partent davantage et que je gagne encore de l'argent pour terminer mon immeuble de 3 étages et épouser une 4e femme», a déclaré un fabricant de pirogues au Sénégal. Pour lui, l'émigration clandestine est une aubaine : plus les jeunes partent, plus il vend de pirogues. Pourtant, dans ses propos, il y a plus de naïveté que de cynisme. «Je ne connais que mon métier et je réponds à toutes les sollicitations liées à mon travail comme l'ont toujours fait mes parents depuis leur installation dans ce quartier», explique ce charpentier de 69 ans. «Je ne fais pas de pirogues pour des jeunes que je ne connais pas, l'essentiel pour moi est de construire pour les pêcheurs qui en ont besoin». Mais les commandes grimpent à mesure que les départs de clandestins se multiplient. Depuis le début de l'année, plus de 25 000 ressortissants ouest-africains, dont de très nombreux Sénégalais, sont entrés illégalement et à bord de pirogues dans l'archipel espagnol des Canaries. «Depuis l'apparition de ce phénomène, les sollicitations se sont multipliées, j'ai recruté d'autres jeunes qui ne sont pas forcément de notre caste parce que les demandes ont triplé et les prix sont plus intéressants.» «Des pêcheurs payaient 4,5 millions de FCFA (6 800 euros) pour une pirogue et maintenant ils (les nouveaux acheteurs) payent facilement 6 à 7 millions (9 100 à 10 000 euros) selon l'urgence.» «Et je reconnais que pour une pirogue vendue à 7 millions, l'ensemble des frais me revient à 3,5 millions (5 300 euros)», souligne le charpentier. Bénéfice : 3,5 millions par pirogue.