Constat n Le pouvoir d'achat des Algériens s'est sensiblement détérioré. Il se limite aux produits essentiels. Les petites bourses n'arrivent plus à gérer leurs budgets, leurs revenus suffisent à peine à subvenir aux besoins les plus élémentaires de la vie quotidienne. Cette approche s'est confirmée avec notre tournée au marché populaire de Belcourt, réputé pour être plus clément en termes de prix. Les familles ne cessent d'affluer sur ce lieu où nombre de vendeurs vous proposent leurs marchandises, en vous forçant presque à l'achat. Entouré des clients dans cet espace baigné de soleil, Rachid, un vendeur à la sauvette, explique : «La ruée observée est systématique en cette période.» En face de lui, une mère de famille négocie depuis quelques minutes le prix de deux tabliers pour ses deux jumelles rentrées cette année au CEM. Interrogée sur le budget qu'elle a alloué à cette rentrée scolaire et le mois de ramadan qui approche, elle répond : «Jusque-là j'ai dépensé environ 7 000 DA entre vêtements, cartable et blouses. Les fournitures scolaires ne sont toujours pas achetées.» Ecoutant ce témoignage, un père de famille bondit : «Avec l'arrivée du ramadan, les factures d'eau, d'électricité et de gaz, les jours à venir s'annoncent très difficiles.» Nous poursuivons notre tournée dans cette fourmilière exposant toutes sortes de produits avec Ami Brahim, un quinquagénaire, employé dans une entreprise de travaux publics à Alger, où il perçoit 28 000 DA mensuellement. Il commence ses courses en achetant quelques kilos de légumes : pommes de terre, tomates, oignons ; il termine avec la semoule, les pâtes et le lait. L'addition finale avoisine les 700 DA. En glissant de temps à autre un produit dans son couffin, il ne peut s'empêcher de critiquer les prix affichés par les commerçants et la politique du gouvernement envers les pauvres. Notre interlocuteur a le sens de la communication, il nous parle de l'augmentation des salaires annoncée par les pouvoirs publics, la manne financière du pétrole, de son fils aîné au chômage et du mariage de sa fille cet été qui, vraisemblablement, sont venus à bout de ses économies. «Habituellement, je prends mes précautions. Le budget de la rentrée scolaire et du ramadan sont prévus bien à l'avance», nous confie-t-il. «Une chose est sûre : le menu de ce mois sacré sera identique si ce n'est pire que le menu quotidien des autres mois», ajoute, dépité, ce père de famille de cinq enfants dont trois sont scolarisés. Ce témoignage reflète, en fait, la dure réalité que la classe défavorisée et même moyenne endurent en silence. A la question de savoir comment compte-t-il relever ce pari, Ami Brahim observe quelques minutes de silence avant de répondre d'un air éploré : «Ma femme m'a suggéré de vendre notre voiture. Une proposition que j'ai rejetée. En revanche, je pense à demander une avance sur salaire à mon employeur.»