Manquement n L'opérateur ne juge même pas utile de communiquer le message reçu au capitaine, ainsi que l'exige le règlement. Ce 14 avril 1912, un peu avant 23 heures, l'opérateur radio du «Titanic», qui, parti de Southampton, en Angleterre, se dirige tranquillement et sûrement vers l'Amérique, reçoit un message. «Au ”Titanic”, traversons champ de glaces flottantes, avertir le capitaine ! ”California” !» Comme l'opérateur du «California» n'a pas reçu de réponse de son collègue du «Titanic», il pense que son message ne lui est pas parvenu. Il l'envoie donc de nouveau. «Au ”Titanic”, traversons champ de glaces flottantes, avertir le capitaine ! ”California” !» En fait, l'opérateur du «Titanic», un certain Philipps a bien reçu le message, mais il ne veut pas répondre. Il a même froncé les sourcils et lancé un juron quand le message lui est parvenu une seconde fois. «Au Diable !» C'est que le radio Philipps est fatigué, épuisé même. Depuis le matin, les passagers n'ont cessé de défiler dans sa cabine, envoyant des messages à leurs amis ou à leurs parents laissés en Europe ou les attendant en Amérique. «Ma chère maman, j'arrive...» «Henry, nous voyageons dans les meilleures conditions...» «Ah, mon chéri, que je voudrais t'avoir auprès de moi pour que tu voies ce merveilleux bateau qu'est le ”Titanic”....» et d'autres fadaises encore ! Il aurait envoyé tout le monde balader, Philipps, si le capitaine du bateau, E. J. Smith, ne lui avait ordonné d'être à l'écoute des passagers, notamment les plus riches d'entre eux. Celui qu'on appelait «le capitaine des millionnaires» voulait donner une bonne image de son navire et de son équipage : toujours à la disposition des clients ! Des riches clients, ceux qui occupent les cabines de luxe, louées plusieurs centaines de livres et qui font vivre les paquebots ! Le message du «California» ? Les glaces ? Philipps hausse encore les épaules. Il ne juge même pas utile de le communiquer au capitaine, comme l'exige le règlement. En réalité, le «Titanic» a déjà reçu plusieurs messages, plusieurs avertissements même, depuis le matin. A 9 heures, c'est le «Corona» qui a signalé, le premier, les glaces : «Au ”Titanic”, attention, apparition de glaces sur la route que vous empruntez !» A 13h 30, c'est le «Baltic» qui a mis en garde le navire contre le même danger : «Gros morceaux de glaces...» ; à 13h 45, c'est l'«America» : «Vous allez droit sur les glaces, prudence...» ; à 19h 50, c'est le premier message du «California» : «Danger, danger.» Puis le deuxième message... Les glaces, aperçues par ces navires, dérivent entre 41 et 42° de latitude nord, entre 49 et 50° de longitude ouest, au sud de Terre-Neuve. Elles dévalent du Groenland et coupent la route du «Titanic»... (à suivre...)