Une armée en décomposition et dirigée par des généraux corrompus : pour la première fois depuis leur création en 1956, un officier marocain dévoile dans un livre publié à Paris la face sombre des Forces armées royales (FAR) dont certains dirigeants, accuse-t-il, ont fait du roi leur otage. Dans Les officiers de Sa Majesté : les dérives des généraux marocains, le commandant Mahjoub Tobji, 61 ans, qui a notamment servi dans la garde royale, évoque la dégradation de l'armée marocaine après deux putschs avortés contre le roi Hassan II. M. Tobji, alors jeune officier, entend le roi s'adresser aux cadres de l'armée : «Si j'ai un conseil à vous donner c'est de faire de l'argent et de vous éloigner de la politique.» Résultat : «L'armée est devenue petit à petit une officine où tout se vend et s'achète.» La guerre au Sahara occidental a accentué ce «mercantilisme». Pire, elle a permis au général Dlimi de s'emparer plus subtilement du pouvoir. Ce que n'avaient pas réussi les généraux Mohamed Medbouh et Mohamed Oufkir lors de deux tentatives de coups d'Etat en 1971 et en 1972. M. Dlimi, dont M. Tobji était alors l'aide de camp, meurt le 23 janvier 1983 officiellement dans un accident de la route. En fait, «il a été liquidé à la suite de différends d'ordre privé», écrit l'auteur. Son successeur, le général Housni Benslimane, va arrêter plusieurs officiers, dont M. Tobji qui réussira à s'évader vers la France, avant d'être autorisé par Hassan II à revenir au Maroc. Mais il n'aura plus d'affectation ni de promotion, jusqu'à son départ à la retraite en 2003. Aujourd'hui, Benslimane est l'homme fort du Maroc. Le jeune roi Mohamed VI possède en sa «légitimité» une «puissante arme» pour mettre fin à ce système, interroge l'auteur. «Mais en a-t-il la possibilité ou même l'envie ?»