La sortie intempestive de jeunes gradés des FAR place le souverain chérifien face à un véritable dilemme cornélien. Même si les autorités marocaines et les médias qui lui sont inféodés ont tenté de minimiser l'événement, il n'empêche que la naissance du mouvement des officiers libres marocains répond à une logique que les faits, particulièrement têtus, sont loin de pouvoir démentir. Trop d'incidents, devenus la règle et non quelques exceptions, viennent illustrer le conflit ouvert apparu entre les jeunes officiers des Forces armées marocaines (FAR) et certains officiers supérieurs accusés de corruption, de passe-droits et même de trafic aux frontières avec l'Algérie. Des cas de jeunes soldats emprisonnés pour avoir dénoncé ce genre de méfaits itératifs sont légion, même s'il est certain que les affaires exhumées dans un royaume où la liberté de la presse en est encore à ses premiers balbutiements, ne doivent être que la face émergée d'un gigantesque iceberg. Le communiqué de ce mouvement, repris par la presse mondiale, ne demande rien moins que les têtes des généraux responsables de la zone sud, de la gendarmerie, de l'inspection générale, de la garde royale et de la DST (ser- vices de renseignements marocains). A ces noms s'ajoutent ceux d'autres généraux moins connus et moins en vue dans la hiérarchie militaire. Ce qui rend ce communiqué sérieux, c'est qu'il a été suivi, quelques jours plus tard, par un appel lancé par l'Istiqlalien en rupture de ban, Khalid Jamaï, abondant plus ou moins dans le même sens en direction du souverain marocain. Les observateurs bien au fait des intrigues du Palais, indiquent que Mohammed VI jouirait du soutien de cette poignée de généraux et qu'à ce titre il lui serait impossible de pratiquer le grand nettoyage demandé publiquement par les jeunes officiers et même, dit-on, les hommes de troupes. Mohammed VI, qui se trouve devant un véritable dilemme cornélien, qui joue carrément son trône à quitte ou double, semble avoir tenté de retourner contre eux le communiqué des officiers libres en procédant à des remaniements au sein de la haute hiérarchie militaire où seuls, dit-on, les officiers intè- gres, soupçonnés d'appartenir à l'organisation, ont été touchés. Les mêmes sources prêtent au prince rouge, cousin de Mohammed VI, Moulay Hicham, un rôle non négligeable dans les tracas du souverain. Ecarté par les agents de la DST afin de ne pas contrecarrer les plans des deux fils du défunt Hassan II, le retour de Moulay Hicham a coïncidé avec cette levée de boucliers alors que tout le londe sait qu'il n'existe pas de coïncidences en politique, et encore moins dans les intrigues. Le souverain marocain fait aussi face à une montée islamiste sans précédent. Des assassinats sont même commis par des groupes terroristes assez proches de ceux qui activent encore en Algérie alors que des partis islamistes, dits soft, ne cessent de conforter leurs positions au sein des institutions élues du royaume. Mohammed VI, après une période de grâce de trois années, ses bravades lancées à l'ONU à propos de la question du Sahara occidental et l'humiliation de l'îlot du Persil, aura à faire face à la première crise sérieuse de sa carrière de souverain.