Rattrapé par son passé tumultueux, le Maroc tremble. Le Maroc est au centre d'une véritable tempête médiatique annonciatrice de bouleversements et de révélations sur le fonctionnement du régime royal. Un ancien officier des Forces armées royales vient de jeter un pavé dans la mare en publiant un livre sur l'institution militaire marocaine. L'auteur du livre Les officiers de Sa Majesté, Mahmoud Tobji, n'est autre qu'un ancien officier au grade de commandant, installé en Europe, qui a travaillé sous les ordres directs du puissant général Dlimi, aujourd'hui disparu. Il apporte un éclairage sur une institution très influente qu'il charge de tous les maux. Corruption, affairisme, escroquerie, connexion avec les services du Mossad d'Israël, fournisseur d'armes pour les FAR... Soit un brûlot qui met mal à l'aise le trône du jeune Roi Mohammed VI qui fait face à l'inquiétante montée du phénomène du terrorisme. L'été 2006 a été riche en évènements importants dans ce pays où l'on a assisté au démantèlement d'un important réseau terroriste ayant infiltré les corps des services de sécurité. La réaction des autorités a, certes, mis fin aux activités d'une cinquantaine d'activistes du réseau El Khattab qui était à un stade avancé de la préparation des attentats. Ce qui montre bien que le courant djihadiste est bien installé dans ce pays, donné comme exemple dans la gestion de la mouvance islamiste. En mai 2003, le Maroc avait déjà été secoué par des attentats kamikazes qui ont fait 45 morts, donnant, ainsi, le signal à une campagne de déstabilisation du pays qui n'a pas eu de succès. La complicité de certains cercles du pouvoir militaire dans la montée en puissance du courant islamiste armé sera confirmée à l'occasion de la neutralisation d'une cellule militaire connectée aux réseaux terroristes qui débouchera sur des changements importants au sein d'institutions névralgiques de l'armée telle que la Direction de sûreté du territoire (DST) et la disparition de la puissante Sécurité militaire. Le livre de Tobji Mahmoud arrive pour prendre le relais d'une succession d'événements brûlants qui pèsent lourdement sur la vie politique marocaine et le règne du jeune roi qui a hérité d'une situation, le moins que l'on puisse dire, complexe, laissée par feu Hassan II. Les relations avec l'institution militaire n'ont pas toujours été tendres et Hassan II avait bien résisté à plusieurs tentatives de putshs militaires dont celui du début des années 70 mené par le général Oufkir. Aussi, ce livre survient au moment où l'enquête sur l'assassinat de l'opposant Mehdi Ben Barka connaît une évolution notable suite au passage de Driss Basri (un acteur-témoin du système) devant le juge parisien, Patrick Rmaél, chargé de faire toute la lumière sur la disparition de cette grande figure politique marocaine enlevée à Paris le 29 octobre 1965. Le juge français s'est intéressé au fonctionnement des services de sécurité du Royaume chérifien et sur leur éventuel rôle dans l'acte d'enlèvement. Leur implication dans cette oeuvre macabre a, de tout temps, été suspectée fortement par diverses parties concernées par l'événement. Avec cette affaire qui remonte à la surface, il faut s'attendre à d'autres révélations sur la nature des relations entretenues par le Palais royal avec l'institution militaire dans la politique de liquidation physique des hommes politiques opposés au régime. La disponibilité affichée par l'ancien ministre de l'Intérieur sous le règne de Hassan II est un gage qui permet d'espérer que la lumière soit faite sur cette histoire restée zone d'ombre, des années durant. Le Maroc traverse des moments difficiles qui détermineront, en grande mesure, son avenir immédiat. Rattrapé par les vieux démons de son passé tumultueux, faisant face à un présent rendu difficile par la persistance de la crise au Sahara occidental et la montée en puissance de la mouvance islamiste et son corollaire, le terrorisme, le Maroc est vraisemblablement à la croisée des chemins.