Courage n «Les gens sont au chômage, leurs maisons ont été détruites. C'est triste, mais nous espérons que le mois de ramadan améliorera les choses», affirme Mohammad Nehmé, un épicier de la ville portuaire de Tyr. Dans les villages de cette région frontalière où le Hezbollah bénéficie d'un fort soutien, les familles s'affairent pour organiser les festivités marquant cette période de jeûne qui va commencer à la fin de la semaine. A Aïta ach-Chaâb, une bourgade à l'est de Tyr, dévastée par les bombardements, des banderoles ont été accrochées en signe de joie. «Le Sud victorieux souhaite la bienvenue au mois saint de ramadan», peut-on lire sur une de ces affiches. Du lever au coucher du soleil, pendant un mois, le musulman pratiquant doit s'abstenir de manger, de boire et d'avoir des relations sexuelles. Mais dès la nuit tombée, les veillées et les iftar (repas de rupture du jeûne) sont l'occasion de réunions familiales et entre amis. «Cette année, la situation économique est vraiment mauvaise à cause de l'agression israélienne», se plaint Mohamad Mallah, propriétaire d'une pâtisserie à Tyr. «Les gens achètent la moitié des choses qu'ils ont l'habitude d'acheter en prévision du ramadan.» Israël a lancé une offensive meurtrière du 12 juillet au 14 août au Liban, après la capture par le Hezbollah de deux de ses soldats à la frontière. Cette offensive a détruit des milliers d'habitations et a interrompu l'activité économique de cette région essentiellement agricole. Abbas Srour a décidé de ne pas baisser les bras, pour le bien de sa femme et de ses six enfants. Il était chauffeur de taxi avant que sa maison et sa voiture ne soient détruites dans l'offensive. Devant sa maison réduite en un amas de gravats, il a installé une table sur laquelle il a posé un grand plat et tout ce qu'il faut pour préparer des douceurs, dont les Libanais font une grande consommation à l'occasion du ramadan. «Nous sommes passés par des périodes très difficiles durant l'agression israélienne, nous avons connu la faim parce que les Israéliens nous ont assiégés», explique sa femme Amal. «Nous avons appris à être patients.» Dans le village frontalier sunnite de Yarin, les habitants préparent, eux aussi, des plats pour les repas de rupture du jeûne. Fadi Al-Bardan, ses trois sœurs et un proche s'emploient à piler des oignons, nettoyer des lentilles et du persil. «Nous gardons ces ingrédients au réfrigérateur. Durant le ramadan nous recevons au moins 25 personnes à chaque iftar. C'est une occasion durant laquelle toute la famille se rassemble», explique Fadi. Mohamad Gharib n'éprouve pas la même excitation pour la fête. Il a été contraint de quitter Aïta ach-Chaâb avec sa femme et sa fille de quatre ans et s'est installé à Tyr. «Il faut passer ramadan en famille, à la maison et pourtant regardez ce qui nous arrive», explique Mohamad, 48 ans. «Mes parents sont à Aïta ach-Chaâb, dans leur maison presque détruite. Et mon frère Hussein et sa famille ont fui vers la banlieue sud de Beyrouth. Mon seul souhait est de pouvoir les réunir durant ce mois saint. Les Israéliens ne doivent pas réussir à nous séparer.»