Les sources musulmanes relatives à Noé sont en rapport étroit, sur bien des faits, avec les sources juives, en particulier la Genèse et la Haggada. Néanmoins, elles sont plus riches et permettent de combler certaines lacunes de la Bible. La vérité finit alors par se manifester. Le four bouillonna et des pluies torrentielles inondèrent la terre habitée. Tout fut noyé durant ce déluge. L'arche de Noé navigua six mois à l'aventure. Lorsque la pluie cessa de tomber, Noé envoya dehors un corbeau qui se montra négligent, puis une colombe qui revint avec, en signe de bonne nouvelle et de paix, un rameau d'olivier en son bec et dans ses pattes de la mousse. L'Arche, nous rapporte la Bible, s'arrêta au mont Judy, nom d'un des sommets du massif volcanique arménien connu sous le nom de Ararat, plus connu de nos jours sous le nom turc de Parmak Taghi (pic du Doigt) dont le point culminant atteint 5 157 mètres. L'«atterrissage» eut lieu le dixième jour du mois de Muharram, précise l'historien Tabari. Ce jour est commémoré par les musulmans sous le nom de fête de l'Achoura, par des jeûnes et des actions de grâce. Dès son débarquement dans la joie et le désordre, cette animalité singulière se répandit sur la terre, heureuse de sa délivrance, et se multiplia. La Bible ajoute à son récit du déluge d'autres détails que le Coran ne mentionne pas. C'est à Noé, selon elle, que remonterait la plantation de la vigne. L'Ancien Testament nous dit qu'ayant fait fermenter du jus de raisin, il en but et y découvrit une énergie qu'il ignorait. S'étant enivré, il s'endormit dans sa tente. Au cours de son sommeil, il se découvrit sans se rendre compte et fut recouvert avec respect par ses fils Sem (ancêtre des Sémites) et Japhet (ancêtre des Indo-Européens) tandis que son autre fils Cham (ancêtre des Noirs) se permit de faire des plaisanteries sur la nudité de son père. A son réveil, instruit de ce qui s'était passé, Noé bénit Sem et Japhet et leur descendance et maudit Cham et la sienne, disant : «Maudit soit Chanaân (fils de Cham) qu'il soit esclave des esclaves de ses frères!» L'histoire de Noé a incité divers auteurs, en raison de son caractère extraordinaire, à y voir un mythe dont ils ont cherché les éléments dans les légendes païennes. C'est ainsi qu'on a voulu la rapprocher de celle de Féridun, la légende royale persane, bien que le magisme iranien ignore tout du Déluge et surtout de la légende de Xisuthros écrite sur des tablettes découvertes par G. Smith en 1882 et conservées actuellement au British Museum. Mais le nom de Noé reste attaché surtout au Déluge et au problème qu'il soulève. Problème délicat qui ne peut être exposé à la seule lumière des Ecritures dont les données sont âprement controversées par la critique historique moderne. Au reste, les textes sacrés ne sont pas les seuls à évoquer un événement qui a dû bouleverser le monde oriental et affecter l'évolution de la civilisation. Il s'agit, en effet, surtout du monde proche-oriental car les Hindous, les Chinois, les peuples d'Amérique du Nord et du Sud précolombienne ignorent tout du Déluge. Ni leur archéologie, ni leur folklore, ni leurs traditions religieuses ne fournissent le moindre indice ou témoignage sur un événement auquel la Bible donne, avec son exagération coutumière, une portée planétaire. Traiter de ce problème dans toute son ampleur nous entraînerait trop loin. Qu'il nous suffise de rappeler que bien avant les Juifs et les Arabes, d'autres peuples sémitiques du Proche-Orient en ont parlé. En premier lieu les Sumériens et les Babyloniens qui ont créé de prestigieuses civilisations dont les foyers de rayonnement ont été, voici plus de quatre mille ans Sumer, Babylone, Ur, Akkad, etc. Leur grandeur, leur art, leur culture et surtout leurs religions ont si profondément marqué la mentalité judéo-arabe que le Coran est sévère à l'égard des emprunts faits par les Arabes païens aux religions mésopotamiennes. Les découvertes archéologiques ont permis d'admettre que le déluge n'était pas absent dans leurs traditions. Ces peuples évaluaient, en effet, le temps en disant lam abudi (avant le Déluge) ou arki abudi (après le Déluge). Selon certaines hypothèses, Noé serait le Taglug de la version sumérienne du Déluge. (à suivre...)