Résumé de la 36e partie n La bataille entre Kanmakân et Kahroudash se termine par la mort de ce dernier. Le périple reprend et les deux musulmans rencontrent la négresse errante. La négresse continue son histoire : «Et, comme il n'était pas habitué au hachisch, bientôt, quand l'effet se fut produit dans son cerveau par la circulation de la drogue, il entra d'abord dans une hilarité extraordinaire et lança dans toute la salle des éclats énormes de rire ! Puis il s'affaissa, un instant après, sur le marbre nu et fut la proie d'hallucinations diverses dont voici l'une des plus délicieuses. «Il crut d'abord être sous la domination des mains d'un terrible masseur et de deux nègres vigoureux qui s'étaient complètement emparés de son individu ; et il se voyait comme un jouet entre leurs mains ; ils le tournaient et le manipulaient dans tous les sens en lui enfonçant dans les chairs leurs doigts noueux mais experts et il geignait sous le poids de leurs genoux quand ils s'appuyaient sur son ventre pour le masser avec art. Après cela ils le lavèrent à grand renfort de bassins de cuivre et de frottements avec des fibres végétales. Puis, le bain terminé, le grand masseur lui entoura la tête, les épaules et les reins de trois foulards aussi blancs que le jasmin et lui dit : ”Maintenant, seigneur, c'est le moment d'entrer chez ton épouse qui t'attend !” Mais il s'écria : ”Quelle épouse, ô masseur ? Je suis célibataire ! Aurais-tu par hasard mangé du hachisch pour ainsi radoter ?” «Mais le masseur lui dit : ”Ne plaisante donc pas de la sorte ! Allons chez ton épouse qui est dans l'impatience !” Et il lui jeta sur les épaules un grand voile de soie noire, et il ouvrit la marche, tandis que les deux nègres le soutenaient par les épaules en lui chatouillant de temps en temps le derrière, pour plaisanter seulement. Et lui, riait extrêmement. «Ils arrivèrent ainsi, avec lui, dans une salle à demi obscure et chaude et parfumée à l'encens ; et, en son milieu, il y avait un grand plateau chargé de fruits, de pâtisseries, de sorbets et des vases remplis de fleurs ; et, après l'avoir faits asseoir sur un escabeau d'ébène, le masseur et les deux nègres lui demandèrent la permission de se retirer et disparurent. «Alors entra un jeune garçon qui se tint debout, attendant ses ordres, et qui lui dit : ”O roi du temps, je suis ton esclave !” Mais, sans faire attention à la gentillesse du jeune garçon, il partit d'un éclat de rire qui fit retentir toute la salle, et s'écria : ”Par Allah ! quel endroit rempli de mangeurs de hachisch ! Voici que maintenant ils m'appellent roi !” Puis il dit au petit garçon : ”Toi, avance ici, et coupe-moi la moitié d'une pastèque bien rouge et bien fondante ! C'est ce que j'aime le mieux. Il n'y a rien qui vaille la pastèque pour me rafraîchir le cœur.” Et le jeune garçon lui apporta la pastèque coupée en tranches admirables. Alors il lui dit : ”Toi, va-t'en ! Tu ne fais pas l'affaire ! Cours vite me chercher ce que j'aime le plus, avec une bonne pastèque de première qualité !” Et le garçon disparut. «Et bientôt entra dans la salle une adolescente toute jeune qui s'avança vers lui en mouvant ses hanches qui se dessinaient à peine tant elles étaient encore enfantines. Et lui, à cette vue, se mit à renifler avec joie quand soudain, sous la sensation d'un froid intense, il se réveilla de son rêve. «Or, à ce moment-là, une fois qu'il eut réfléchi que tout cela n'était que l'effet du hachisch sur son cerveau, il se vit entouré par tous les baigneurs du hammam qui le regardaient en riant de tout leur gosier et en ouvrant des bouches comme des fours ; et ils jetaient sur lui de grands seaux remplis d'eau froide en lui décochant des plaisanteries, comme celles que l'on fait d'ordinaire dans les hammams.» (à suivre...)