Résumé de la 34e partie n Kanmakân, qui a hérité du cheval Kâtoul, prend la route avec son nouvel ami, le Bédouin Sabah. Il se font attaquer par des bergers. Mais lorsque ceux-ci eurent vu le sort subi par leurs maîtres, ils se précipitèrent la face contre terre, demandant la vie sauve. Et Kanmakân leur dit : «Allez ! et, sans perdre de temps, poussez devant moi ces troupeaux et conduisez-les à tel endroit où se trouvent ma tente et mes esclaves !» Et, poussant devant lui bêtes et esclaves, il continua sa route, rejoint bientôt par son compagnon Sabah qui, suivant les ordres reçus, n'avait pas bougé de son poste durant le combat. Or, pendant qu'ils cheminaient de la sorte avec, au-devant d'eux, les esclaves et le troupeau, ils virent soudain s'élever une poussière qui, dissipée, laissa apparaître cent cavaliers armés selon le mode des Roum de Constantinia. Alors Kanmakân dit à Sabah : «Surveille les troupeaux et les esclaves et laisse moi agir seul contre ces mécréants !» Et le Bédouin aussitôt se retira plus loin, derrière une colline, ne s'occupant que de la garde ordonnée. Et seul Kanmakân s'élança au-devant des cavaliers Roum, qui aussitôt l'enveloppèrent de toutes parts ; alors leur chef, s'étant avancé vers lui, dit : «Qui donc es-tu, ô jeune fille charmante qui sais si bien tenir les rênes d'un cheval de bataille, alors que tes yeux sont si tendres et tes joues si lisses et fleuries ? Approche-toi. Viens ! Je te ferai reine de toutes les terres où se promènent les tribus !» A ces paroles Kanmakân sentit une grande honte lui monter au visage et s'écria : «A qui donc penses-tu parler, ô chien fils de chien ? Si mes joues n'ont point de poils, mon bras, que tu vas sentir, te prouvera l'erreur de ta grossièreté, ô Roumi aveugle et qui ne sais distinguer les guerriers d'avec les jeunes filles !» Alors le chef des cent s'avança plus près de Kanmakân et constata, en effet, que, malgré la douceur et la blancheur de son teint et le velouté de ses joues vierges de poils rugueux, c'était, à en juger par la flamme de ses yeux, un guerrier point facile à dompter. Alors le chef des cent cria à Kanmakân : «A qui donc appartient ce troupeau ? Et où vas-tu toi-même ainsi, plein s'insolence et de bravade ? Livre-toi à discrétion, ou tu es mort !» Puis il ordonna à l'un de ses cavaliers de s'approcher du jeune homme et de le faire prisonnier. Mais à peine le cavalier était-il arrivé près de Kanmakân, que, d'un seul coup de son glaive, Kanmakân lui coupa en deux le turban, la tête, le corps, ainsi que la selle et le ventre du cheval. Puis le deuxième cavalier qui s'avança et le troisième et le quatrième subirent exactement le même sort. A cette vue, le chef des cent ordonna à ses cavaliers de se retirer et s'avança plus près de Kanmakân et lui cria : «Ta jeunesse est très belle, ô guerrier, et ta vaillance l'égale ! Or moi, Kahroudash, dont l'héroïsme est réputé dans tous les pays des Roum, je veux, à cause même de ton courage, t'accorder la vie sauve ! Retire-toi donc en paix, car je te pardonne la mort de mes hommes, pour ta beauté !» Mais Kanmakân lui cria : «Que tu sois Kahroudash, cela ne peut m'intéresser ! Ce qui importe, c'est que tu laisses de côté toutes ces paroles et que tu viennes éprouver la pointe de ma lance. Et sache aussi, puisque tu t'appelles Kahroudash, que, moi, je suis Kanmakân ben-Daoul'makân ben-Omar Al-Némân !» Alors le chrétien lui dit : «O fils de Daoul'makân, j'ai connu dans les batailles la vaillance de ton père ! Or, toi, tu as su unir la force de ton père à une élégance parfaite ! Retire-toi donc en emportant tout ton butin. C'est mon plaisir !» Mais Kanmakân lui cria : «Ce n'est point ma coutume, ô chrétien, de faire tourner bride à mon cheval ! Garde à toi !» Il caressa son cheval Kâtoul qui comprit le désir de son maître et, baissant les oreilles et relevant la queue, s'élança. (à suivre...)