Résumé de la 38e partie n Alors que Kanmakân et Sabah écoutent la négresse errante, un émissaire du vizir Dandân arrive, apportant une bonne nouvelle. Aussi à peine le prince Kanmakân eut-il paru, arrivant au grand galop de son cheval Kâtoul que les cris de joie et les invocations s'élevèrent de tout l'espace, poussés par des milliers de voix d'hommes et de femmes qui l'acclamaient comme leur roi. Et le vizir Dandân, malgré son grand âge, sauta lestement à terre et vint souhaiter la bienvenue et jurer fidélité au descendant de tant de rois. Puis tous ensemble entrèrent à Bagdad, cependant que la négresse, sur le chameau qu'entourait une foule considérable, racontait une histoire d'entre les histoires. Or, la première chose que Kanmakân fit, en arrivant au palais, fut d'embrasser le grand vizir Dandân, le plus fidèle à la mémoire de ses rois, puis les chefs Rustem, Turkash et Bahraman ; et la seconde chose que fit Kanmakân fut d'aller baiser les mains de sa mère qui sanglotait de joie ; et la troisième chose fut de dire à sa mère : «ô ma mère, dis-moi, de grâce, comment va ma bien-aimée cousine Force-du-Destin !» Et sa mère lui répondit : «O mon enfant, je ne puis te répondre à ce sujet, car depuis que je t'ai perdu, je n'ai plus pensé à autre chose qu'à la douleur de ton absence !» Et Kanmakân lui dit : «Je te supplie, ô mère, d'aller toi-même prendre de ses nouvelles et des nouvelles de ma tante Nôzhatou !» Alors la mère sortit et alla dans l'appartement où se trouvaient maintenant Nôzhatou et sa fille Force-du-Destin, et revint avec elles dans la salle où les attendait Kanmakân. Et c'est alors qu'eut lieu la vraie joie et que furent dits les plus beaux vers, dont ceux-ci entre mille : «ô sourire de perles sur les lèvres de l'aimée, sourire bu sur les perles mêmes ! «Joues des amants ! Que de baisers ne connûtes-vous, que de caresses sur la soie ! «Caresses des cheveux épars, caresses des doigts qui fourmillent nombreux !» Or, comme leur félicité fut à sa limite, avec la grâce d'Allah, il n'y a rien à dire là-dessus. Et d'ailleurs, c'est depuis lors que les malheurs s'éloignèrent de la demeure où vivait la postérité d'Omar Al-Némân, pour s'abattre à jamais sur tous ceux qui avaient été ses ennemis ! En effet, une fois que le roi Kanmakân eut passé de longs mois de bonheur avec la jeune Force-du-Destin, devenue son épouse, il réunit un jour, en présence du grand vizir Dandân, tous ses émirs, ses chefs de troupes et les principaux de son empire et leur dit : «Le sang de mes pères n'est n'est pas encore vengé, et les temps sont venus ! Or, voici qu'il m'est parvenu qu'Aphridonios est mort, et mort aussi Hardobios de Kaïssaria. Mais la vieille Mère-des-Calamités est encore en vie, et c'est elle qui, au dire de nos guerriers, gouverne et règle les affaires dans tous les pays des Roum. Et à Kaïssaria le nouveau roi s'appelle Roumân, et on ne lui connaît ni père ni mère. «Donc, ô vous tous, mes guerriers, dès demain la guerre recommence contre les mécréants ! Et je jure sur la vie de Mohammed (QSSSL !) de ne retourner dans notre ville Bagdad qu'après avoir arraché la vie à la vieille de malheur et vengé tous nos frères morts dans les combats !» Et tous les assistants répondirent par l'assentiment. Et, dès le lendemain, l'armée était en marche sur Kaïssaria. Or, comme ils étaient arrivés sous les murs de l'ennemi et qu'ils se disposaient à l'assaut pour mettre tout à feu et à sang dans cette ville mécréante, ils virent s'avancer vers la tente du roi un jeune homme si beau qu'il ne pouvait être qu'un fils de roi et une femme, le visage découvert et l'air respectable, qui marchait derrière lui. Et, à ce moment, sous la tente du roi, étaient réunis le vizir Dandân et la princesse Nôzhatou, tante de Kanmakân, qui avait voulu accompagner l'armée des Croyants, habituée qu'elle était aux fatigues des voyages. (à suivre...)