Résumé de la 47e partie n Le Bédouin finit enfin son histoire : l'adolescent le libère après l'avoir couvert de cadeaux. Le Bédouin Hamad conclut ainsi : «Et c'est alors que, devenu le plus riche de ma tribu, je me fis chef d'une bande de brigands coupeurs de routes. Et il arriva ce qu'il arriva ! Et telle est l'histoire que je vous ai promise et qui mérite, sans aucun doute, la rémission de tous mes crimes lesquels, à la vérité, ne sont pas d'un poids minime !» Lorsque Hamad eut fini son histoire, Nôzhatou dit aux deux rois et au vizir Dandân : «On doit respecter les fous, mais les mettre hors de portée de nuire. Or, ce Bédouin a le crâne irrémédiablement disloqué ; il faut donc lui pardonner ses méfaits à cause de sa sensibilité aux beaux vers et de sa mémoire étonnante !» A ces paroles, le Bédouin se sentit soulagé si considérablement qu'il s'affala sur les tapis. Et les eunuques vinrent et le ramassèrent. Or, à peine le Bédouin venait-il de disparaître qu'un courrier entra en haletant et, ayant embrassé la terre entre les mains des rois, dit : «Mère-des-Calamités est aux portes de la ville, car elle n'en est plus distante que d'un seul parasange !» A cette nouvelle si longtemps attendue, les deux rois et le vizir se convulsèrent de joie et demandèrent des détails au courrier, qui leur dit : «Lorsque la Mère-des-Calamités eut ouvert la lettre de notre roi et vu sa signature au bas de la feuille, elle se réjouit extrêmement ; et à l'heure même et à l'instant elle fit ses préparatifs de départ et invita la reine Safîa à venir avec elle ainsi que cent des principaux guerriers des Roum de Constantinia. Puis elle me dit de prendre les devants pour venir vous annoncer son arrivée.» Alors le vizir Dandân se leva et dit aux rois : «Il est plus prudent, pour déjouer les perfidies et les embûches dont pourrait encore se servir la vieille mécréante, que nous allions à sa rencontre, après nous être déguisés sous des vêtements de chrétiens occidentaux, et avoir pris avec nous mille guerriers choisis, habillés également selon l'ancienne mode de Kaïssaria.» Et les deux rois répondirent par l'ouïe et l'obéissance et firent ce que leur conseillait le grand vizir. Aussi, quand elle les vit dans cet accoutrement, Nôzhatou leur dit : «Vraiment, si je ne vous connaissais pas, je vous croirais tout à fait des Afrangi !» Alors ils sortirent du palais et, s'étant mis à la tête de mille guerriers, ils allèrent au-devant de Mère-des-Calamités. Et bientôt elle apparut. Alors Roumzân et Kanmakân dirent au vizir Dandân de développer les guerriers sur un grand cercle et de les faire avancer lentement de façon à ne laisser échapper aucun des guerriers de Constantinia. Puis le roi Roumzân dit à Kanmakân : «Laisse-moi d'abord m'avancer le premier au-devant de la vieille maudite : car elle me connaît déjà et ne se méfiera pas.» Et il poussa son cheval. Et en quelques instants, il fut aux côtés de Mère-des-Calamités. Alors, Roumzân mit vivement pied à terre et la vieille, l'ayant reconnu, descendit également et se jeta à son cou. Alors le roi Roumzân la prit dans ses bras, la fixa les yeux dans les yeux, et la serra et la comprima si fort et si longtemps qu'elle lança un pet retentissant qui fit se cabrer tous les chevaux et sauter les cailloux du chemin à la tête des cavaliers ! Or, au même moment les mille guerriers, au grand galop, resserrèrent leur cercle et crièrent aux cent chrétiens de mettre bas les armes ; et en un clin d'œil ils les capturèrent jusqu'au dernier, tandis que le vizir Dandân s'avançait vers la reine Safîa et, ayant baisé la terre entre ses mains, la mettait en quelques mots au courant de la situation, cependant que la vieille Mère-des-Calamités, garrottée solidement, comprenait enfin sa perdition et urinait longuement dans ses vêtements. (à suivre...)