Résumé de la 33e partie n Le cavalier blessé succombe à ses blessures ; il lègue à Kanmakân son magnifique cheval. Lorsque fut la cent quarante et unième nuit, Shahrazade dit : … Voir leur destinée sur le chemin d'Allah. Et Kanmakân avait enfourché son nouveau cheval Kâtoul, et le Bédouin Sabah s'était contenté de le suivre fidèlement à pied, car il lui avait juré amitié et soumission et l'avait reconnu à jamais pour son maître en faisant le serment sur le temple saint de la Kaâba, la maison d'Allah ! Alors commença pour eux une vie pleine d'exploits et d'aventures, de luttes contre les bêtes et de combats contre les brigands, de chasses et de voyages, de nuits passées à l'affût des animaux sauvages et de jours à guerroyer contre les tribus et à amasser du butin. Et ils amassèrent de la sorte, au prix de bien des périls, une quantité incalculable de bestiaux avec leurs gardiens, de chevaux avec des esclaves et de tentes avec leurs tapis. Et Kanmakân avait chargé son compagnon Sabah de la surveillance générale de toutes leurs acquisitions, qu'ils poussaient partout devant eux dans leurs incursions continuelles. Et, quand ils s'asseyaient tous deux pour le repos, ils ne manquaient pas de se raconter mutuellement leurs peines et leurs espoirs d'amour, en parlant l'un de sa cousine Force-du-Destin et l'autre de sa cousine Nejma. Et cette vie dura de la sorte l'espace de deux ans. Et voici, entre mille, l'un des exploits du jeune Kanmakân. Un jour, Kanmakân, sur son cheval Kâtoul, marchait à l'aventure, précédé par son fidèle Sabah. Celui-ci ouvrait la marche une épée nue à la main, et poussait, de temps en temps, des cris terribles en ouvrant des yeux comme des cavernes et en hurlant bien que la solitude fût absolue dans le désert : «Hoh ! Ouvrez la route ! Droite ! Gauche !» Et ils venaient de terminer un repas où ils avaient mangé, à eux deux, une gazelle à la broche et bu d'une eau de source fraîche et légère. Au bout d'un certain temps, ils arrivèrent à une éminence au pied de laquelle s'étendait un pâturage couvert de chamelles et de chameaux, de moutons, de vaches et de chevaux ; et, plus loin, sous une tente, des esclaves armés étaient accroupis tranquillement. A cette vue, Kanmakân dit à Sabah : «Reste là ! Je vais à moi seul m'emparer de tout le troupeau, ainsi que des esclaves.» Et, ayant dit ces paroles, il fondit au galop de son coursier du haut de la colline comme le tonnerre soudain d'un nuage qui crève, et se précipita sur les gens et les bêtes en entonnant cet hymne guerrier : «Nous sommes de la race d'Omar Al-Némân, des hommes aux grands desseins, des héros. Nous sommes les seigneurs qui frappons au cœur les tribus hostiles, quand se lève le jour du combat. «Nous protégeons les faibles contre les puissants, et nous nous servons de la tête des vaincus pour l'ornement de nos lances. «Gare à vos têtes, ô vous tous, voici les héros ! ceux aux grands desseins, ceux de la race d'Omar Al-Némân !» A cette vue, les esclaves terrifiés se mirent à lancer de grands cris, en appelant au secours, croyant que tous les Arabes du désert les attaquaient à l'improviste. Alors sortirent des tentes trois guerriers qui étaient les maîtres des troupeaux ; ils sautèrent sur leurs chevaux et se précipitèrent à la rencontre de Kanmakân, en s'écriant : «C'est le voleur du cheval Kâtoul ! Nous le tenons enfin ! Sus au voleur !» A ces paroles, Kanmakân leur cria : «C'est, en effet, Kâtoul lui-même, mais les voleurs, c'est vous !» Et il se pencha près des oreilles de Kâtoul en lui parlant pour l'encourager ; et Kâtoul bondit comme un ogre sur une proie ; et Kanmakân, de sa lance, ne se fit qu'un jeu de la victoire ; car, dès la première passe, il enfonça la pointe de son arme dans le ventre du premier qui se présenta, et la fit sortir de l'autre côté avec un rognon au bout. Puis il fit subir le même sort aux deux autres cavaliers : et, de l'autre côté de leur dos, un rognon ornait la perforante lance. Puis il se tourna du côté des esclaves. (à suivre...)