Résumé de la 5e partie n Maître Galatzeo prend en main l'affaire des héritiers spoliés. Il dépose plainte et la police perquisitionne la maison où les frères Corato vivaient dans des chambres de bonne. A Luigi : «Tu as réclamé des pommes de terre alors qu'on te donnait une soupe. Pas de soupe pendant trois jours.» A Fortuné : «Ton costume ne mérite pas d'être changé. Tu n'as pas fait le ménage hier soir au magasin. Demi-ration pendant une semaine.» L'essentiel des punitions porte sur la nourriture, les vêtements. L'avocat attend patiemment dans l'antichambre du bureau directorial. Les deux policiers ont fait leurs constatations, les quatre frères se sont enfermés dans leurs chambres, terrorisés, accusant Jéronime d'avoir soulevé la tempête. Ils craignent les représailles. L'avocat, lui, voit briller des paquets de milliers de lires. La silhouette autoritaire du frère élu se dresse devant lui, à cinquante centimètres au-dessus du bureau jadis occupé par son père, Don Corato. «Qu'est-ce que vous venez me raconter ? Je suis le chef de famille, il en fallait un. J'ai agi pour le bien de tous. Pietro est veule, Luigi négligent, Fortuné est un fourbe et Jéronime un lâche. D'ailleurs c'est lui, ce lâche, qui est allé vous trouver. Si je n'avais pas pris le pouvoir, il y a des années, que seraient-ils devenus ? Que seraient-ils aujourd'hui ? Des vauriens, des clochards, des voleurs, des fainéants...» Maître Galatzeo a un sourire de fouine : «Est-il vrai que vous leur avez fait établir, à chacun, un testament en faveur de votre fils unique ? — C'est exact ! Et alors ? Ils y ont consenti, ils savent que j'ai raison, afin que notre patrimoine ne soit pas dispersé. — Jéronime et votre frère Pietro m'ont dit que pour les y obliger, vous les aviez mis au pain sec et à l'eau ?… — Bobards... — Est-il vrai que vous avez fait partir, sous la menace, une jeune fille que Luigi voulait épouser ? — Mensonge ! J'ai simplement expliqué à cette fille qu'elle se conduisait très mal en incitant mon frère à rompre le contrat qu'il avait signé. — Est-il vrai que vous avez contraint Fortuné à renoncer à avoir des enfants ? — Ce n'est pas ma faute s'il ne peut pas en faire… — Que vous l'avez pour cela enfermé dans sa chambre durant trois mois ? — Il était malade. — Que vous avez dit à sa femme qu'il était atteint de syphilis ? — C'est lui qui le disait... — Commendatore... vous connaissez les affaires ? — Je connais les avocats... Vous ne prouverez rien... — Vous connaissez les lois ? — J'ai la loi pour moi, les dernières volontés de mon père... — Est-ce que les dernières volontés de monsieur votre père exigeaient, entre autres, de faire interner vos frères pour démence ? — Ils sont libres... — Le docteur San Giani n'a-t-il pas déjà établi un certificat à propos de Pietro ? N'a-t-il pas ordonné des médicaments à Luigi... à Fortuné... et déclaré que Jéronime était sénile, gâteux, et devait être placé sous tutelle ? — Ils sont débiles tous les quatre... — Combien auriez-vous payé le juge qui aurait entériné ces diagnostics ? — Mensonge, infamie... Je prouverai qu'ils sont fous !» La procédure fut longue, longue... avec de beaux honoraires pour maître Galatzeo, à qui ses quatre clients, futurs multimillionnaires après partage, avaient promis un excellent pourcentage. C'est devant le juge qui lui demandait pourquoi, après trente-sept années d'esclavage, lui, Jéronime, le lâche, s'était enfin décidé à accuser son frère de captation d'héritage, que Jéronime a déclaré innocemment : «Les ravioli... Monsieur. La veille... j'ai senti l'odeur des ravioli. La femme de Joseph les faisait si bien. La dernière fois que j'en avais mangés, c'était le lendemain de l'enterrement du père. Et ceux-là n'étaient encore pas pour moi. Ils étaient pour Joseph... Alors j'ai eu une envie terrible de manger des ravioli, je suis allé voir maître Galatzeo, parce qu'il habitait au-dessus d'un restaurant où il y avait des plats de ravioli tous les jours sur les tables... Je les voyais en passant, j'attendais le soir, mais je n'en trouvais jamais dans les poubelles... jamais.»