Révolte n La jeune femme ne veut rien entendre : il l'a clouée sur un fauteuil roulant alors que lui est en bonne santé. Mohamed regarde l'heure : il sera bientôt quatre heures et il n'a pas fini son travail. Et le directeur qui a insisté pour que le dossier soit sur son bureau, le lendemain, à huit heures ! Il va falloir encore faire des heures supplémentaires. Ce n'est pas tant travailler qui le dérange, mais le fait d'affronter sa femme. Depuis l'accident qui la cloue sur un fauteuil roulant, elle est devenu non seulement acariâtre, mais aussi soupçonneuse. Le téléphone sonne ; c'est la ligne directe, sans passer par la secrétaire. «C'est encore elle», se dit-il. Il prend l'appareil et, d'une voix lasse, dit : — Allô... Mais personne ne répond. Il entend comme un souffle et on raccroche. Il en est sûr, c'est elle ! Elle a déjà appelé, depuis le matin, trois ou quatre fois, cherchant les prétextes les plus anodins pour savoir s'il est au bureau. — Je ne suis pas sorti, répond-il à chaque fois, j'ai beaucoup de travail ! Et maintenant, elle ne parle même pas. Peut-être que cette fois-ci, elle n'a pas trouvé de prétexte pour justifier l'appel. Elle n'était pas comme ça, Fadhila. C'est depuis ce terrible accident qu'elle a changé. Il s'arrête un moment de travailler et repense à cette terrible journée. Il roulait vraiment vite, tellement il était pressé de rentrer pour voir le match. Fadhila criait, lui demandant de réduire sa vitesse, mais lui riait et se moquait d'elle. Et ce fut le choc. Un choc effroyable : si lui en est sorti avec un bras cassé, elle a eu des lésions plus graves et, depuis, a perdu l'usage de ses jambes. Les médecins ont dit qu'elle finirait par se remettre debout, mais une année a passé et elle est toujours sur son fauteuil. Comme il fallait s'y attendre, la jeune femme ne cesse de lui rappeler sa responsabilité dans ce qui lui est arrivé. «C'est de ta faute ! Tu roulais trop vite!» Elle est allée jusqu'à lui reprocher d'avoir provoquer l'accident exprès... Ses enfants ont beau prendre sa défense, Fadhila ne veut rien entendre : il l'a clouée sur un fauteuil roulant alors que lui est en bonne santé... Elle l'accuse de la délaisser. Pourtant, il fait tout pour lui être agréable, pour lui faciliter la vie. Il a aménagé la maison en fonction de son handicap, installant un ascenseur pour accéder à l'étage ; il a recruté une bonne qui vient faire le ménage chaque jour... Et les médecins ? Il n'y a pas de spécialiste qu'il n'ait consulté : tous disent que ses jambes ne sont pas perdues et qu'elle va retrouver leur usage... La dernière trouvaille de Fadhila, c'est qu'il la trompe avec quelque secrétaire, voire même qu'il conçoit le projet de la quitter... Cela explique ces coups de fils à tout moment de la journée... Et lui qui est obligé, aujourd'hui, d'arriver en retard à la maison... Il soupire et reprend son dossier. (à suivre...)