Souvenirs n Nos vieux, attachés aux valeurs ancestrales, regrettent que le ramadan ait presque perdu de son sens. Tout le monde aura remarqué que l'Algérie a totalement changé. La société est devenue violente et intolérante. Elle est traversée par des contradictions qui minent jusqu'à sa cohésion. Les jeunes affichent une agressivité sans égale. Ils ont les nerfs à fleur de peau… surtout durant le ramadan. Sacré, le mois de piété et de rahma est devenu de nos jours le mois des bagarres et autres disputes dans les bus et les rues. L'ambiance est morose dans nos villes et villages, pourtant tous les moyens sont disponibles pour la détente. A l'époque, du moins du temps de la colonisation française, selon des vieux que nous avons rencontrés, durant le mois de jeûne, la bonne ambiance régnait en maître absolu. Dans les villes comme dans les villages, selon des témoignages, la misère, la pauvreté, les maladies ne changeaient rien à la situation des Algériens, qui vivaient heureux. Ils avaient la foi. Ils étaient pieux et croyants. Le ramadan, pour eux, était synonyme de solidarité. Les commerçants n'augmentaient pas les prix des produits. Nos vieux dénoncent aujourd'hui les changements négatifs que connaît notre pays. La société, pour eux, a perdu toutes ses valeurs. L'ouverture des restaurants de la Rahma et du Croissant-Rouge algérien est perçue comme une dégradation des conditions de vie et une absence de solidarité. La cellule familiale est brisée. Les vieux regrettent le bon vieux temps des repas traditionnels, des soirées de chaâbi avec El-Hadj El-Anka et Hadj Mrizek, dans les cafés. De nos jours, el-sahra (la veillée ramadanesque) se limite au jeu de dominos dans certains cafés, sinon à regarder la télévision. Ne reste du ramadan que le devoir religieux, car les valeurs qu'il véhicule ont pratiquement disparu. Il est vrai que nos vieux sont parfois sévères dans leur jugement envers les nouvelles générations. Il est vrai également que nos parents n'arrivent pas à admettre les changements opérés dans la société. Mais, à les entendre raconter leur ramadan, ses odeurs, l'ambiance, la fraternité, l'esprit de solidarité… il y a de quoi être jaloux, car de nos jours ces valeurs sont enterrées. Le ramadan n'est plus cette période où se côtoient foi, rahma et convivialité, mais le mois de tous les trafics. S'il est vrai que la mondialisation est une réalité incontournable, le retour au passé est aussi important.