Déficit n Le manuel d'histoire dispense le «savoir» officiel auquel sont censés se référer, des années durant, élèves et enseignants. C'est ce qu'a affirmé Hassan Remaouan, enseignant à l'Institut de sociologie de l'université d'Oran et chercheur au Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (Crasc), dans une étude sur l'enseignement de l'histoire en Algérie. L'étude s'est limitée, pour l'essentiel, aux trois années dispensées dans les lycées (1re, 2e et 3e années secondaires), préparant aux examens du baccalauréat ; le choix du cycle des trois années débouchant sur le baccalauréat est dicté par le fait que «c'est la dernière période de la scolarité où tous les futurs cadres et lettrés du pays auront été astreints à un enseignement d'histoire», ce qui «contribue à lui donner un rôle structurant dans la constitution de l'idéologie dominante en Algérie», explique M. Remaouan, qui a tiré pour conclusion que l'enseignement de l'histoire dans les lycées algériens traite de la période qui va du XVIe siècle à nos jours, soit celle durant laquelle s'est constituée, dans sa consistance actuelle, l'entité «Algérie». Aussi, le manuel algérien de 1re AS, explique le chercheur, aborde la période 1760-1914 et il est structuré en 27 chapitres ou leçons réparties sur quelque 240 pages (plus une dizaine de pages réservées à la présentation de l'ouvrage et à la table des matières). Le tiers des chapitres (soit 9 sur 28 occupant 71 pages) traite du monde arabo-islamique ; Afrique, Asie, Europe plus les Etats-Unis d'Amérique semblent se partager équitablement les deux tiers restants avec, eux aussi, 9 chapitres chacun. Le manuel de 2e AS «fait référence 18 fois à des pays du Machrek contre 4 à ceux du Maghreb (dont une seule référence explicite à l'Algérie)». Pis, le chercheur explique que dans les manuels marocains, le référent Algérie domine et est même mieux représenté (trois leçons) que dans le manuel algérien (une leçon). Aussi, est-il constaté que le monde arabo-musulman est fortement représenté dans l'enseignement de l'histoire tel qu'il se pratique dans les lycées en Algérie (51% du nombre total des leçons). «Nous constatons que le référent Algérie représente près de 8% (en nombre de leçons et de pages) de l'ensemble du programme enseigné dans les trois années, et 15 et 17% de l'espace affecté au monde arabo-islamique.» La comparaison formelle nous donne donc une représentation de l'Algérie en leçons et en pages dans les manuels algériens, à peu près deux fois et demie inférieure à la représentation dans les manuels marocains. Pour ce qui est de l'ensemble Algérie-Maghreb, on arrive à une représentation dans les manuels algériens de 12% de l'ensemble mondial enseigné en trois ans, et à environ 25% de l'ensemble arabo-islamique (22,5% en nombre de leçons et 27,3% en nombre de pages). Le décalage avec les ouvrages marocains est ici aussi au moins de deux fois et demie et toujours en faveur de ces derniers.